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généraux, à l’intérieur, aient laissé dans leurs foyers autant d’hommes appartenant à la réserve. Sévissez contre ceux qui ont contrevenu aux ordres donnés. Signalez-moi des noms. » C’est encore en cette qualité qu’il communiqua à quatre heures au ministre de la Guerre les dispositions arrêtées par suite de la résolution du matin de se concentrer sur Châlons.

À ce moment, l’Empereur avait entre les mains la réponse du Cabinet à l’interrogation qu’il lui avait posée. Cette réponse n’approuvait ni ne blâmait[1] et disait seulement que le Conseil, sans juger la mesure, n’y faisait aucune objection.

Le sentiment élevé qui empêchait l’Empereur de désavouer Le Bœuf, lui inspira d’envoyer une pensée de réconfort à Mac Mahon. Il lui télégraphia : « L’Empereur sent vivement le chagrin que vous devez éprouver. Il vous félicite et vous remercie des efforts que vous avez faits. »


IV

Que ferait-on de l’armée ? Telle était la principale préoccupation de tous. Mais il en était une autre qui grondait dans les esprits et que le prince Napoléon manifesta le premier ce jour-là Que ferait-on de l’Empereur ? demeurerait-il à la tête de l’armée ? L’Empereur déjeunait à dix heures et dînait à six. Le Prince arrive une demi-heure avant le dîner et dit à Castelnau : « Il faudrait que l’Empereur rentrât à Paris. — C’est vrai, dites-le-lui. — Mais si je le conseille à l’Empereur, il se défiera de ce que je lui dis et cela suffirait pour qu’il adopte un avis contraire ; parlez-lui-en. » Castelnau s’en défend : il n’a pas l’habitude de pareilles initiatives. Cependant, à cause de la gravité des circonstances, il dérogera à ses habitudes.

L’Empereur entre, s’assied sur un canapé. Castelnau aborde le sujet. Il lui rappelle la conduite de son oncle qui, en 1812, n’hésita pas à laisser son armée et à rentrer à Paris. « J’y ai pensé, dit l’Empereur, mais cela est impossible. Mon oncle,

  1. D’après le Récit historique de l’état-major français, nous aurions répondu que nous trouvions impolitique « d’évacuer la Lorraine, sans livrer bataille, et que nous redoutions l’effet déplorable que cette nouvelle produirait sur le pays. » Nous n’avons rien dit de cela, et l’Empereur, dans une brochure sur Sedan, confirme le sens de notre télégramme : « L’Empereur, dit-il, résolut de ramener immédiatement l’armée au camp de Châlons..., le plan communiqué à Paris fut d’abord approuvé par le Conseil des ministres. »