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faire venir le Pape ? Fort bien, mais qu’en voulez-vous faire ? Ce n’est pas pour en faire un spectateur. S’il ne la donne pas, au moins qu’aucun autre ne la donne. » C’est assez juste. J’arriverai avec la couronne, je la mettrai sur l’autel, le Pape ou, s’il ne vient pas, celui qui le représentera la bénira, et je la remettrai sur ma tête. »


Corps des avocats.

L’EMPEREUR n’est point satisfait de l’arrêté pris pendant son absence sur la discipline des avocats. Il s’étend très au long sur les inconvéniens de l’indépendance des avocats. Il répète ce qu’il a déjà dit dans d’autres séances sur l’influence de l’avocat sur les jurés qui sont le plus souvent leurs cliens, ont intérêt à les ménager et sont accoutumés à regarder leurs paroles comme articles de foi. « Dans tous les tribunaux, ce sont les avocats qui dirigent la discussion. Dans aucun tribunal de France, vous n’avez un homme de courage et de tête comme M. Hémart ; eh bien ! c’est toujours par les avocats qu’est posée la majeure. »

Il veut que les avocats soient soumis au Grand Juge et puissent être destitués ou interdits par lui.

CAMBACÉRÈS, TREILHARD et LEBRUN plaident pour l’indépendance des avocats.

BERLIER dit qu’avec le gouvernement actuel, on ne pourrait craindre aucun abus de cette mesure, qui est peut-être nécessaire pour les circonstances ; mais il croit que, par la suite, elle pourrait avoir des conséquences funestes et devenir une arme fatale dans les mains d’un gouvernement malintentionné. Il demande qu’elle ne soit établie que pour dix ans.

LEBRUN témoigne aussi son effroi sur les suites d’une telle mesure. Il dit qu’il est trop ami de la liberté et de la propriété pour tout concentrer en une seule main.

L’EMPEREUR se récrie beaucoup sur la faiblesse de l’ordre judiciaire. « Il n’y a point d’ordre judiciaire en France. C’est à qui la perdra. Autrefois, n’avez-vous pas vu le duc de Richelieu revêtu de dignités, défaveurs, de richesses, et même couvert de gloire, ne l’avez-vous pas vu traîner devant les tribunaux ? Aujourd’hui tel homme s’est couvert de crimes qui font frémir la nature, eh bien ! parce qu’il est général, personne n’ose l’attaquer. Un homme puissant et riche ne sera jamais jugé. »