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Barberini, la Beata Albertoni et surtout l’Extase de Sainte Thérèse et les deux Anges faits pour le Pont Saint-Ange.

Par de telles facultés de vision pénétrante et de fidèle mémoire, le Bernin devait être un grand maître dans l’art du portrait. Après la période du XVIe siècle où, par suite de l’idéalisme mis à la mode par Michel-Ange, on se désintéressa des traits particuliers de la nature, et où l’art du portrait était tombé dans un profond discrédit, le Bernin eut la gloire de le faire renaitre, et, par des œuvres également précieuses par leur variété et leur beauté, par le buste si captivant dans sa simplicité de Costanza Buonarelli, par la figure si extraordinairement vivante et sensuelle du cardinal Scipion Borghèse, par le buste triomphal de Louis XIV, surtout par cette merveille incomparable d’observation aiguë qu’est le buste d’Innocent X, le Bernin a atteint des sommets que nul depuis lors n’a dépassés.

Vérité, fidélité à la nature, amour profond de la vie, tels sont les traits du génie de ce grand artiste que l’on a cependant j »u accuser d’avoir créé un art factice et corrupteur.

Le Bernin a repris la tradition des plus grands naturalistes de l’art italien. Il n’a pas le décevant idéalisme qui parfois égare un Michel-Ange ou un Raphaël ; il est un vrai fils de la nature, un amoureux de toutes les beautés créées, le véritable disciple du Corrège.


A côté du Bernin un autre sculpteur de génie, l’Algarde, créait, dans une forme et une pensée un peu différentes de la sienne, d’admirables chefs-d’œuvre.

Comme Michel-Ange, le Bernin n’aimait pas le bas-relief. La statue en ronde bosse lui paraissait préférable pour ses recherches de beauté. L’Algarde, qui appartient à l’école bolonaise et qui poursuit les traditions d’intellectualisme de cette école, fut au contraire le maître par excellence de cette forme de sculpture. En plein XVIIe siècle il continue, peut-on dire, l’art de la Contre-Réforme, ajoutant toutefois à cet art la richesse, la somptuosité que réclamait l’âge nouveau.

L’Algarde reprend l’art de Ghiberti et de Donatello, cet art qui sur une surface de pierre ou de bronze, sans aucune ressource de couleur, uniquement par le travail du ciseau, par la saillie des surfaces, veut produire des effets de perspective, donner des aspects de nature vivante, et rivaliser avec toutes les ressources de la peinture. Cette entreprise était-elle possible ? Ce n’est pas