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mains du peuple. Et nous voyons alors le style Louis XVI se continuer, mais en perdant sa grâce pour se revêtir d’énergie.

Avec Napoléon, après les périodes de luttes et de misère, c’est la victoire, et, sur l’art sévère de la Révolution, l’Empire va mettre toutes les pompes triomphales.

Ce ne fut toutefois qu’un éclair, brutalement Waterloo, en une heure, va tout détruire. La chute de l’Empire, le démembrement de la France, les armées étrangères maîtresses du sol national, et tout cela après tant de rêves de gloire et de bonheur, ce fut un terrible réveil, un des coups les plus rudes que la France ail jamais eu à supporter. Tout naturellement la tristesse, plus que jamais, vient assombrir l’âme française : on construit des chapelles expiatoires, et jamais l’art classique n’a revêtu des formes plus simples et, pourrait-on dire, plus douloureuses.

Mais alors une idée nouvelle intervient, une idée à laquelle on ne songeait plus depuis de longs siècles. Cette antiquité dans laquelle on avait mis tant d’espérances, on la charge de toutes les responsabilités : c’est elle qui. en faisant revivre le paganisme, a porté atteinte à la religion nationale et qui, ce faisant, a fait disparaître de la nation toute idée religieuse. Pour trouver le salut, c’est elle qu’il faut combattre ; il faut refaire une France chrétienne, et pour cela, il faut se rattacher franchement à nos vraies traditions, à notre style national, à l’art du Moyen âge, au Roman et surtout au Gothique.

Mais, hélas ! on ne refait pas le gothique. C’est un style trop coûteux, que seuls des siècles d’ardente foi religieuse peuvent réaliser. Et ce style, tout envoûtant l’imiter, on le comprend mal : au lieu d’y voir l’exubérance de joie et de triomphe de tout un peuple, on le considère comme une œuvre de tristesse ; et le gothique de la Restauration, privé de toute parure, sans vitraux, sans sculptures, n’est que le squelette d’un pauvre oiseau mort.

Cette renaissance de l’art gothique ne pouvait durer dans une société où l’idée religieuse ne parvint pas à conserver sa puissance. Lorsque la France réorganisée vil disparaître les jours de recueillement et se reprit aux vastes espoirs, l’amour de la vie prédomina et paralysa cette tentative de grande renaissance chrétienne. Napoléon III voulut redonner à la France les jours de fêtes et de triomphes, il voulut lui remettre la joie au cœur, et le fait que ce règne a eu dans l’art comme pensée maîtresse, non un monument religieux, non un palais pour un souverain,