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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/482

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ait été appelé à Berlin : on l’a été d’autant plus que le bruit a couru aussitôt que le baron Marschall de Bieberstein ne reviendrait pas à son poste et serait envoyé à Londres pour y remplacer le comte Wolff-Metternich. Nous ne saurions dire si ce bruit est fondé : peut-être est-il prématuré de parler d’un mouvement diplomatique aussi important alors qu’il n’est pas encore accompli, mais les journaux le font dans le monde entier, et il y aurait quelque affectation à paraître l’ignorer. Si le baron Marschall quitte Constantinople, son départ n’y sera pas un incident négligeable, car il y occupait une place prépondérante et on s’accordait à dire qu’il ne la devait pas seulement à la grandeur du pays qu’il y représentait, mais encore à son mérite personnel. Il avait réussi à Constantinople comme aucun autre ambassadeur ne l’avait fait depuis longtemps, et son influence était restée la même à travers les crises politiques que le pays a traversées. S’il est donc vrai qu’il aille à Londres, comme son déplacement n’indique certainement pas une orientation nouvelle de la politique allemande en Orient, il faut y chercher une autre cause : on ne peut la trouver que dans les préoccupations toujours très vives que cause à l’Allemagne la poursuite obstinée de son projet de rapprochement avec l’Angleterre. En d’autres termes, si la cause du déplacement du baron Marschall n’est pas à Constantinople, et elle ne peut pas y être, elle est à Londres. Ce n’est un secret pour personne que le gouvernement allemand est pris, depuis quelques mois surtout, du désir ardent de conclure avec l’Angleterre un arrangement qui amène entre les deux pays non seulement une détente, mais une entente.

De là le récent voyage de lord Haldane à Berlin, où la présence d’un ministre anglais avait été l’objet d’un souhait officiel ou officieux : c’est la dernière manifestation apparente de ce désir de rapprochement, qui avait déjà donné lieu à plusieurs négociations avant ce voyage et qui en a provoqué d’autres depuis. On est convaincu à Berlin que la situation est opportune et que, si on n’en profite pas, on ne la retrouvera peut-être plus dans des conditions aussi avantageuses. Malgré ses succès, le ministère radical anglais commence à s’user, comme tous les ministères qui ont duré longtemps et. quel que soit son successeur, on n’est pas sûr de rencontrer auprès de lui des dispositions aussi favorables. Tous les partis en Angleterre désirent sans doute un rapprochement avec l’Allemagne, mais on estime à Berlin que les conditions qu’on entend y mettre seraient plus facilement acceptées par un gouvernement radical que par un gouvernement conservateur, et on s’applique à brusquer le dénouement. Cependant, nous nous