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ne suis pas habituée à ce genre de communications : mais ces messieurs viennent de nous affirmer, au nom d’un très grand nombre de leurs collègues, que votre départ était nécessaire. M. de Dalmas s’est même écrié : « Si le jour de demain se lève sur ce Ministère il y aura d’irréparables malheurs. » Elle ne nous rapporta pas ce qu’elle avait répondu et murmura avec un soupir en se penchant vers moi : « Dire qu’il faut avoir l’air d’écouter les conseils de M. de Dalmas ! »

Plichon alors démontra éloquemment ce qu’aurait de déplorable une décomposition du pouvoir devant le péril et qu’une retraite, lâcheté de notre part, serait un malheur pour la cause nationale. Tout d’une voix, nous déclarâmes que nous partagions ces sentimens et qu’à moins que l’Empereur, de qui nous tenions nos pouvoirs, ne nous les retirât, nous étions résolus à nous représenter compacts et unis devant les Chambres. L’Impératrice ne nous approuva ni ne nous contredit. Le crut-elle inutile. » Était-elle gênée par la présence des membres du Conseil privé qui nous étaient hostiles, ou bien, quoiqu’elle eût repoussé les sommations qu’elle venait d’entendre, en ressentait-elle, sans s’en rendre compte, quelque influence?

Dans ce Conseil j’avais senti un certain embarras dans l’attitude de Schneider. Blessé en effet par mon refus de lui donner ma démission, il en était arrivé successivement à ne plus contrarier l’intrigue ourdie contre nous, puis à la trouver naturelle, enfin à la seconder par un assentiment qui devenait de moins en moins tacite.

Dans la soirée, il y eut de nouvelles tentatives de désordre. Au milieu d’une foule considérable de curieux et de chercheurs de nouvelles, des bandes organisées essayèrent encore de troubler la circulation et se déployèrent sur les boulevards, rue de la Paix, aux environs de la place Vendôme, au chant de la Marseillaise en criant : « Des armes ! des armes ! » Quelques cris de « Vive la République ! » se firent aussi entendre. Mais Baraguey d’Hilliers, de concert avec Pietri, avait bien pris ses mesures. Au moment où les manifestations allaient interrompre la circulation sur les boulevards Montmartre et des Italiens, des forces imposantes arrêtèrent court les bandes de criards, les dispersèrent et rétablirent partout la tranquillité. A onze heures et demie, ces mêmes boulevards, si agités, si encombrés, étaient devenus les plus paisibles et les plus libres de Paris.