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campagne militaire, l’autre tout aux impressions des effervescences parisiennes ; l’un et l’autre sans entente et parfois en dissentiment. Leur coexistence devenait impossible ; il fallait rétablir l’unité par la suppression de l’Empereur ou par celle de la régence.

Cette nécessité m’était confirmée par une troisième évidence qui m’envahit encore plus fortement, c’est que la situation intérieure, non moins que le salut de l’armée, requérait le retour immédiat de l’Empereur. La révolution accroissait son audace à mesure que l’invasion accentuait ses progrès ; elle ne dissimulait plus son espérance d’un prochain renversement. Le parti républicain poursuivait son complot dont les ramifications, ainsi que le démontraient les tentatives simultanées dans les grandes villes, s’étendaient à tout le pays. Il fallait l’écraser, si nous voulions affronter avec quelque chance de succès l’ennemi extérieur. Jusque-là, chaque fois que l’Empereur, alarmé par les excitations révolutionnaires, m’avait demandé des mesures de rigueur, je les lui avais refusées. Cette fois je résolus de les lui proposer moi-même.

Mais il ne fallait songer à aucune mesure sérieuse tant que l’Empereur ne serait pas rentré à Paris,. L’Impératrice, au nombre de ses dons remarquables, ne comptait pas l’autorité, ce don inné et tout-puissant des privilégiés destinés à dominer les hommes et les circonstances ; cette autorité émanait naturellement, au contraire, de la personne de l’Empereur. Quand il venait vers vous, avec son regard réfléchi, qu’il vous tendait la main d’une certaine manière, on était disposé à lui accorder ce qu’il allait vous demander avant même qu’il l’eût demandé, et il inspirait la volonté de le suivre aveuglément. Avec lui, bien des choses auraient été faciles, qui, avec l’Impératrice, eussent été difficiles sinon impossibles. Lui seul nous eût assuré la condition primordiale d’une politique de combat contre la Révolution : un vote de confiance général de la Chambre, qui, en consolidant notre pouvoir, eût été un blanc-seing pour l’exécution des mesures de détail. Nous pouvions proroger la Chambre, mais non la dissoudre, et à plus forte raison tenter un coup de force contre elle. Il fallait donc la gagner, et l’Empereur l’eût fait pour nous. La majorité lui était entièrement dévouée ; d’un mot, il eût fait rentrer dans le rang les Jérôme David et les Duvernois, maîtrisé les mesquines passions, maintenu autour