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UNE EXPOSITION
DES
PRIMITIFS NIÇOIS

On ne se doutait guère de leur existence. Les guides les mentionnaient à peine. Du million de visiteurs que chaque hiver attire vers la côte d’Azur, bien peu s’inquiètent de savoir s’il y a quelque chose derrière cette façade d’hôtels et de villas qui s’étend ininterrompue le long du délicieux rivage, et ce que peut cacher aux yeux ce décor sans pareil de luxe et de plaisir. Qui aurait supposé une âme à ce lieu de passage, où nul ne demeure ni ne se fixe, et où se donnent rendez-vous, pour quelques mois, ou quelques jours, tous les désœuvremens et les snobismes de l’univers ? Qui eût exigé que ce pays privilégié de la nature eût encore par surcroit la parure de l’art ? Il semblait que cette terre, la dernière venue à la France, fût une terre sans mémoire. L’artiste, le curieux de souvenirs, s’en détourne. Il jette un regard au paysage de la mer et des montagnes, monte aux ruines romaines d’Eze et de la Turbie, et quitte sans regret ces beaux lieux dévastés par une cohue nomade, pour retrouver plus loin, dans quelque bourgade morte de Toscane ou d’Ombrie, comme sur le visage d’une gisante de marbre, l’image d’une vie plus belle et la poésie du passé.

Cependant quelques fureteurs n’ignoraient pas qu’à Nice, dans la sacristie d’une chapelle voisine du marché, une Vierge gracieuse et vénérable souriait sur son ciel d’or. A Cimiez, sur le coteau de forme modérée qui protège la ville au Nord, près