Le parlement est rentré en session le 21 mai, et le premier soin que la Chambre des députés a eu à remplir a été de nommer un président. Pendant les vacances parlementaires, elle avait perdu M. Henri Brisson qui, sauf pendant les derniers temps où l’âge et la fatigue se faisaient sentir chez lui, a été un bon président. Il avait de la gravité, de l’autorité, une grande expérience acquise dans le long exercice de ses fonctions, et il serait injuste de ne pas reconnaître que, malgré les partis pris que lui imposait l’énergie de ses convictions personnelles, il dirigeait les débats de la Chambre avec impartialité. Il semblait fait pour cette tâche et n’a pas aussi bien réussi dans d’autres. Doctrinaire plutôt qu’homme d’action, ses courts passages au ministère ont été moins heureux. C’est au fauteuil présidentiel qu’il était tout lui-même, avec dignité, avec solennité même, préoccupé de sauver les formes du gouvernement parlementaire au milieu de l’abaissement de nos mœurs publiques, respectueux de toutes les opinions et soucieux de témoigner une haute déférence à ses adversaires. Lorsque la question religieuse était en jeu, et on sait qu’elle l’a été souvent, il perdait de son sang-froid. Libre penseur à l’ancienne mode, il croyait au danger permanent que la Congrégation faisait courir à la société moderne : sa philosophie politique ne s’élevait pas alors sensiblement au-dessus de celle d’Eugène Sue. En somme, il a été peut-être, depuis quarante ans, le personnage le plus représentatif du parti radical. On a pu d’ailleurs mesurer, le jour de sa disparition, le vide qu’il y faisait, car il n’a pas trouvé de remplaçant, et M. Paul Deschanel a été élu président à une forte majorité.
Dans l’éloquent discours qu’il a prononcé en prenant possession du fauteuil, M. Deschanel a dit que son élection était le résultat des