Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/822

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’action qu’a exercée depuis quatre-vingt-deux ans la France et celle qu’elle exercera dans le prochain avenir en ces contrées de l’Afrique du Nord, peut être examinée et appréciée à trois points de vue principaux : au point de vue politique et financier d’Etat, au point de vue économique général, enfin au point de vue social et moral.

Nous allons nous placer successivement à ces trois points de vue, en prenant l’une après l’autre chacune de ces possessions nord-africaines ; l’aînée d’abord, l’Algérie, vieille de quatre-vingt-deux ans, que l’on peut considérer comme une adolescente ; la cadette ensuite, la Tunisie, âgée de trente et un ans et dont l’enfance s’est normalement développée sans avoir été affligée par aucune épreuve[1] ; la dernière venue enfin, celle qui nait péniblement, le Maroc, au milieu de circonstances tout particulièrement épineuses, qui devront rendre son développement laborieux et, sans doute, assez lent.


II

Les quatre-vingt-deux années écoulées de notre domination en Algérie ne doivent pas être considérées comme une période très étendue. Il faut un temps très prolongé pour que la colonisation s’enracine, se consolide et forme des sociétés ayant une relative harmonie et une certaine stabilité. Cette observation est surtout vraie en ce qui concerne le type de colonies que l’on appelle les colonies mixtes, par opposition aux colonies d’un type pur, telles que les colonies de peuplement (Australie, Nouvelle-Zélande, etc.) et les colonies d’exploitation (Indes Anglaises et Néerlandaises, etc.).

La diversité des populations, leur opposition de traditions, de conceptions, d’intérêts, rendent délicates et malaisées l’enfance et l’adolescence des colonies mixtes où le peuple colonisateur apporte de nombreux immigrans qui font souche au milieu d’une population indigène déjà un peu dense, cohérente et résistante.

On n’a pas assez remarqué que la célèbre Province Romaine

  1. Nous nous permettons de renvoyer pour un exposé étendu de la colonisation de ces pays à nos deux ouvrages : l’Algérie et la Tunisie (2e édition), et la Colonisation chez les peuples modernes, 2 volumes (6e édition), Alcan.