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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/835

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s’est fixé, il convient de la gouverner, de l’administrer, d’en obtenir la coopération économique, et, si possible, sociale.

C’est à ce sujet surtout que les critiques se produisent. Nous avons exposé ailleurs les indécisions et les flottemens regrettables, mais longtemps excusables, de l’administration française en ce qui touche l’immigration et le régime des terres, ainsi que les rapports des indigènes et des colons dans faire de nos colonies nord-africaines[1].

Sous le règne de Louis-Philippe, période de conquête et de tâtonnemens, le gouvernement hésita à favoriser un grand afflux de colons. La République de 1848, dans sa brève existence, dirigea, au contraire, sur la nouvelle colonie nombre d’immigrans dont la plupart seraient classés aujourd’hui parmi les indésirables ; imbue des doctrines démocratiques qu’elle considérait comme des dogmes, elle reconnut aux colons tous les droits existant dans la mère patrie, ce qui leur constituait des privilèges au regard des indigènes. Le second Empire s’efforça de tenir la balance égale entre les deux élémens ; il témoigna même pour les indigènes d’une particulière sollicitude. On connaît la fameuse maxime émise par l’Empereur ; « L’Algérie est une colonie européenne et un royaume arabe, » — le sénatus-consulte de 1863, qui reconnaissait aux indigènes la propriété du sol, enfin la célèbre lettre du 20 juin 1865, adressée par l’Empereur au maréchal de Mac Mahon gouverneur général, où le chef de l’Etat témoignait de la bienveillance la plus accentuée pour la population autochtone. Il se peut qu’il y ait eu quelque excès dans ces manifestations gouvernementales ; notamment il eût été bon d’inscrire quelques réserves dans le sénatus-consulte de 1863 ; aujourd’hui, cependant, une science nouvelle, la sociologie, et en outre l’expérience du demi-siècle qui a suivi témoigneraient en faveur de la politique du second Empire en Algérie ; c’est d’elle, en tout cas, que les réformateurs voudraient, à l’heure présente, se rapprocher.

La troisième République, comme la seconde, pendant un quart de siècle tout au moins, ne pensa guère qu’aux colons : le Parlement français comptant, dans son sein, leurs représentans, toutes les autorités administratives locales furent à leur service

  1. Se reporter à nos ouvrages ; la Colonisation chez les peuples modernes (6e édition) et l’Algérie et la Tunisie (2e édition). On peut consulter aussi l’ouvrage récent de M. Victor Piquet : la Colonisation française dans l’Afrique du Nord.