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Il y a enfin des hasards, en nombre indéterminé, des hasards qui ont été, à leur guise, des pédagogues.

Mon image d’Epinal, je crois que les enfans de Françoise la regarderaient avec surprise, sans la comprendre et sans l’aimer. Elle n’aurait, pour eux, nulle signification, nul usage. Devenus grands, ils en riraient ; et je songe à elle avec un émoi contre lequel il faut que je résiste.

C’est pour cela, Françoise, probablement, que le livre de vos enfans me laisse tant de mélancolie : ils seront tout autres que nous. Ils seront mieux armés que nous de la force, de l’adresse et de l’activité que leur temps réclamera, que réclame déjà le nôtre, n’est-ce pas ? Notre temps a tourné si terriblement vite ; et il a transformé, autour de nous, si rudement les conditions de la vie, tandis que nous restions les mêmes !

Veuillent, Françoise, vos enfans ne pas nous mépriser : nous avions une grâce, aujourd’hui démodée, une grâce qui n’a servi à rien et qui était une élégance d’autrefois, spirituellement rajeunie. Nous continuions des siècles d’habitude. Vos enfans auront des méthodes.

Bonne chance à vos enfans, petite Françoise d’aujourd’hui ! Apprenez-leur à nous méconnaître ; et qu’ils vaillent mieux que nous. Somme toute, nous avons été des enfans de vaincus, et ce sentiment continue de peser sur nous. Puissent-ils être plus heureux !


ANDRE BEAUNIER.