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Laissez dormir en paix ces morts pleins d’espérance,
Et ne permettez pas que s’écroule sur eux
L’édifice d’amour et de persévérance
Que leur foi construisit en des jours plus heureux.

Ne fermez pas le sûr asile
Où ceux que le malheur exile
Retrouvent le pays rêvé ;
Où les larmes qu’on dissimule
Tombent de l’aube au crépuscule,
En silence, sur le pavé.

La plus chétive église est une bonne mère,
Et quand on la détruit, on fait des orphelins :
Que deviendraient les cœurs déçus par leur chimère,
Tous les cœurs de dégoût et d’amertume pleins ?

Tous ceux pour qui la solitude
Est la seule béatitude.
Ceux qu’a ballottés chaque vent
Et qui, sans maison paternelle.
Cherchent la demeure éternelle,
Où fuiraient-ils dorénavant ?

Gardez l’ancien trésor ! Que triomphant du doute,
Symbole glorieux d’un espoir immortel,
La cathédrale vers le ciel s’élance toute !
Que la lampe toujours brûle devant l’autel !

Que les cloches vibrent, parole
Qui, sans dire de mots, console
Et berce avec un tendre accent ;
Chant aérien qui délivre
L’âme, et plus haut la fait revivre.
Qui l’emporte d’un vol puissant.

Que les clochers, bâtis par les pères, étendent
Sur les enfans leur ombre, afin que, tour à tour,
Les générations successives répandent
Les mêmes pleurs, en implorant le même amour ;