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l’avenir, spectacle ignoble pour le présent. Un véritable rêve de fou : la plus belle ville du monde et qui se prétend la plus intelligente, livrée en pâture à la sottise et au mauvais goût. Quelle misère !

Voyons la Province. C’est l’antipode. La Chine n’est pas plus loin de nous. On a admiré Paris jusqu’au fétichisme ; les bons départemens se sont modestement, humblement sacrifiés pour Paris. Quand le voile a été levé, la réaction s’est faite. On a vu que la défense était l’œuvre unique du génie militaire et que la population avait eu plus de résignation, plus d’amour-propre et d’entêtement surtout que d’héroïsme. On a reconnu qu’elle avait peu souffert en réalité, on a pensé alors aux campagnes dévastées, aux bestiaux enlevés, aux fermes brûlées, aux malheureux mobiles morts de froid, de misère et de maladie le long de tous les chemins, à la porte de toutes les ambulances. C’étaient des misères présentes et qui pesaient encore : l’occupation restait là pour les rappeler. Pour éviter à Paris la Honte d’un désarmement, on avait rendu possible une révolution, et cela au moment même où le travail reprenait partout, où ce peuple peu guerrier, mais d’une activité commerciale prodigieuse, faisait appel à toutes les ressources pour réparer ses désastres. Ç’a été un sentiment de rage contre ce Paris qui jetait la révolution sur les plaies encore vives, qui arrêtait les Prussiens et bouleversait toutes les espérances. La Province veut laisser Paris à lui-même. Il ne faut pas attendre un mouvement analogue à celui de juin 1848. Ou en a assez ; que les Parisiens s’égorgent, ‘on les laissera faire, ce sera leur châtiment et on restera chez soi. L’appel aux volontaires ne sera guère entendu, et il ne faut pas le souhaiter. On a jugé prudent de ne pas s’adresser aux gens du Midi. Le Nord ne nous enverrait que son écume, qui corromprait l’armée et servirait les calculs de l’émeute. Quant à l’Ouest, j’en parlerai tout à l’heure. Je reviens à l’esprit général : il s’est prononcé avec une énergie extrême, la Province ne veut pas de république, absolument comme Paris ne veut pas de monarchie. La question du déplacement de la capitale, déjà posée, écartée, par les esprits prudens, est résolue de fait et brusquement : Paris armé, Paris avec un Conseil municipal ne peut être capitale. La suppression complète de la garde nationale, l’administration aux mains du gouvernement, voilà les conditions nécessaires du retour à Paris.