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absolue vis-à-vis du parti irlandais. Tout le monde, amis et ennemis, comprit que l’heure du triomphe était venue pour le Home Rule. La Chambre des Lords était désarmée, puisque son veto n’était plus qu’un veto suspensif. A peine pouvait-elle retarder de deux ou trois ans l’établissement de l’autonomie parlementaire en Irlande. Quant au gouvernement, que pouvait-il refuser à M. Redmond, qui tenait désormais l’existence de ce gouvernement dans ses mains ?

C’est au commencement de la session de 1912 qu’a été introduit dans la Chambre des Communes le troisième bill qui doit mettre fin à l’union des trois royaumes et créer à Dublin une législation séparée. Ici, il faut dire en quelques mots quel est le caractère de la nouvelle constitution, en quoi elle est identique à celles qu’avait imaginées Gladstone et en quoi elle s’en écarte.

Évidemment, l’esprit de Gladstone « revient » dans le bill de 1912 ; il est surtout sensible dans le préambule. On y retrouve cette étrange faculté d’auto-déception qui lui permettait d’énoncer dans la même phrase, avec la gravité sereine d’une conviction profonde, deux pensées absolument contradictoires. Le Parlement irlandais est solennellement investi du pouvoir de faire des lois « pour la paix, le bon ordre et le bon gouvernement du pays ; » mais le Parlement impérial conserve toute son autorité « sur les personnes et sur les choses. » En d’autres termes, l’Irlande peut tout faire à condition de ne toucher à rien. Est-ce que ce pouvoir législatif, conféré au Parlement de Dublin, ne rappelle pas un peu la liberté de la presse, telle qu’elle est décrite par Figaro dans une phrase que nous savons tous par cœur ? Aux restrictions indiquées dans les bills de 1886 et de 1893 le nouveau projet de loi en ajoute de nouvelles. Le Parlement irlandais, au moins pendant les premières années, n’aura rien à voir avec le Land Purchase Act de 1903, ni avec les pensions de retraites ouvrières, ni avec la loi d’assurance nationale votée en 1911, ni avec les douanes, ni avec les postes et les télégraphes. Durant six années, la police restera entre les mains du gouvernement impérial.

Le Parlement lui-même aura deux Chambres qui ne délibéront et ne voteront ensemble qu’au cas de conflit et après un certain délai. La première Chambre, celle qui correspond à la Chambre des Communes, se composera de 164 membres répartis