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Finances pour l’avenir, il a révélé le côté sérieux de la situation et mis en lumière, peut-être, la principale, la vraie, la seule raison qui milite en faveur du Home Rule. L’Irlande est dans la situation d’un pauvre qui vit dans l’intimité d’un riche prodigue et qui partage ses dépenses comme son luxe. Il faut la séparer, financièrement, de l’Angleterre, cette magnifique gaspilleuse qui, au rebours de Panurge, a encore plus de façons de gagner de l’argent que d’en dépenser. L’économie, voilà la seule politique des petites bourses et des petits Etats ! Les circonstances vont permettre à l’Irlande d’en faire l’expérience. Gladstone, dans son optimisme visionnaire, la dotait d’un excédent. Or, voici qu’elle se met en ménage avec un déficit de quarante millions sur une dépense totale de trois cent quinze, environ. L’Angleterre, lui retirant d’une main ce qu’elle donne de l’autre, paiera le déficit, mais imposera à l’Irlande des restrictions qui la paralysent et des charges qui l’écrasent.

Les choses en étaient là. Tout le monde sentait que cette discussion financière serait l’écueil ; mais on crut un moment l’avoir doublé sans accident. D’une part, M. Redmond avait réussi à persuader à ses amis qu’il fallait voter quand même pour le gouvernement et qu’on ne pouvait payer trop cher le bienfait de l’autonomie.

D’autre part, les soixante-dix ou quatre-vingts radicaux dissidens, pour ne pas compromettre l’existence de cette majorité dont ils faisaient partie, se renfermaient dans un silence de mauvaise humeur, mais sans refuser leur soutien au gouvernement à l’heure du vote. Cette heure arrivait presque tous les soirs vers dix heures et demie ou onze heures moins un quart, et la majorité se retrouvait là, fidèle au rendez-vous, pour approuver des discours qu’elle n’avait pas entendus. Les coutumes parlementaires exigeaient que les clauses financières fussent d’abord approuvées par une « résolution, » avant d’être discutées en Comité comme tous les autres articles de la loi. Cette résolution ayant passé à une très grosse majorité, les ministériels se crurent hors d’affaire et en prirent à leur aise. Lundi 11 novembre, on devait voter, en Comité, l’article qui reproduisait sous une forme identique la résolution déjà acceptée.

Il était près de quatre heures. La salle était presque déserte et le banc des ministres s’était vidé, les questions finies. A ce