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d’affaire. » Il avait tiré d’affaire, aussi, le Centre tout entier. Les aristocrates rhénans ou silésiens qui tentèrent, « en plein accord, disaient-ils, avec l’écrit pontifical, » de fonder en face du Centre un parti catholique conservateur, furent vite découragés.

La prépondérance, dans le Reichstag élu le 21 février, appartint au Cartell que Bennigsen, revenu sur la scène politique, avait conclu avec les conservateurs : le septennat, par cela même, était assuré d’une majorité ; et ce fut peut-être une bonne fortune pour la paix de l’Europe. Bennigsen en vedette : n’était-ce pas un péril pour le rétablissement complet de la paix religieuse ? On savait quel acharnement il avait mis, parfois, à disputer, morceau par morceau, le terrain que l’Église reprenait sur l’État ; on l’entendait déjà s’inquiéter du prix dont Bismarck payait la bonne volonté papale. La Gazette de la Croix, qui voulait la paix et n’aimait pas Bennigsen, redoutait qu’en s’acoquinant avec lui, les conservateurs ne fussent responsables, involontairement, d’un nouveau piétinement du Culturkampf.

Mais le Centre était toujours là. De tous les partis qui avaient combattu ce projet militaire, un seul rentrait intact : le Centre. Il occupait, dans le nouveau Reichstag, 98 sièges : le nom même d’un Léon XIII, fallacieusement exploité par un Bismarck, n’avait pu vaincre Windthorst. « Ce sont des catholiques anti-papalins ! » redisait Bismarck quelque temps après, devant Maurice Busch, et comme le bon scribe se disposait à colporter le mot dans la presse : « Halte-là ! reprenait le chancelier, j’ai encore besoin d’eux pour l’impôt sur le sucre et sur l’eau-de-vie. » C’était là le succès final de sa féroce campagne : il avait encore besoin de Windthorst.

En 1871, Bismarck avait essayé d’étouffer le Centre dans l’œuf ; les efforts du ministre Tauffkirchen avaient échoué contre la résistance de Pie IX. Léon XIII, aujourd’hui, consentait que la Prusse négociât avec lui, en dehors du Centre, pour en finir avec le Culturkampf ; mais si le chancelier avait espéré que Schloezer réussirait là où Tauffkirchen avait échoué, et qu’une parole papale priverait l’Allemagne catholique de ses défenseurs, le chancelier s’était trompé. Le Centre allait traverser encore quelques heures fort pénibles ; mais le jour était proche où il reprendrait un rôle actif, redouté de Bismarck, encouragé par Léon XIII.


GEORGES GOYAU.