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Ces chiffres ne donnent d’ailleurs qu’une idée approchée de la réalité. On voit par exemple pour la Terre qu’ils indiquent — 4°, alors que la température moyenne, à la surface terrestre, est un peu plus élevée et voisine de +15° centigrades. Cette différence est due sans doute pour une bonne part à l’effet protecteur de notre atmosphère, qui se comporte comme une sorte de couverture isolante et tend à diminuer le refroidissement du sol par rayonnement dans l’espace. Un effet analogue doit être produit aussi par les atmosphères des autres planètes, et les températures moyennes de celles-ci doivent être légèrement supérieures à celles qu’indique le tableau précédent.

En revanche, dans les régions voisines de leurs pôles, et où les rayons solaires n’arrivent que très obliquement et très absorbés par l’atmosphère, il doit y régner des températures bien inférieures.

C’est précisément ce qui a lieu sur la Terre. La température la plus basse qui ait été relevée depuis qu’il y a des hommes… et qui usent des thermomètres, les 72° au-dessous de zéro qui furent observés une fois à Verkhoïansk en Sibérie (où règne d’ailleurs en Janvier une température moyenne de — 40°), nous montre quels froids intenses la nature réalise parfois sur notre globe. A vrai dire, il a dû y avoir des froids encore bien plus vifs avant l’invention du thermomètre, si nous en croyons les horribles descriptions des anciennes chroniques. En France même, il semble que le minimum thermométrique de — 31o observé dans l’Est ait dû être parfois dépassé au temps jadis ; en l’an 547, nous dit la Chronique de Saint-Denis, l’hiver fut si rude dans les Gaules que « li oisel furent lors si destroit de faim et de froidure que on les prenoit aus mains sanz nul engin. » Malheureusement, si émouvant qu’il soit, et si charmant en son vieux patois, ce récit ne vaut pas un chiffre.

Il est probable d’ailleurs que l’exploration scientifique du continent antarctique révélera des températures plus basses encore que celles qui ont été observées en Sibérie. Nous n’en voulons pour preuve que les chiffres relevés par Roald Amundsen dans sa station d’hivernage de Framheim ; bien que cette station se trouve à plus de 10o du pôle, la température moyenne annuelle y a été trouvée égale à — 25o avec un minimum de — 59o observé le 13 août 1910. (N’oublions pas que l’hiver austral correspond à notre été.)

En raisonnant par analogie, et en considérant les chiffres du tableau ci-dessus, nous sommes donc fondés à conclure qu’il doit régner, en certains points des planètes les plus éloignées du Soleil, des températures certainement très inférieures à 200o au-dessous de zéro.