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le pays, ce sont celles qu’il demandera au candidat de son choix.

Mais est-ce bien à cela que songe le parti radical et radical-socialiste ? Non, certes, et il l’a prouvé. Les instances qu’il a faites auprès de M. Léon Bourgeois, ses supplications, ses objurgations, tantôt tendres et tantôt impérieuses, ont dévoilé le fond de son cœur. On est allé jusqu’à dire à M. Bourgeois qu’il devait sa vie à la République et que d’autres avaient bien su lui faire le sacrifice de la leur. Les radicaux-socialistes voulaient un homme à eux, dût-il mourir à la peine. N’ayant pas pu s’assurer M. Bourgeois, ils en ont cherché un autre par d’autres procédés et ils ont décidé que le parti républicain se réunirait le 15 janvier pour le découvrir. Mais quelles sont les limites du parti républicain ? Question grave ! En 1905, on avait admis sans contestation que tout homme qui se disait républicain l’était en effet et devait dès lors prendre part à la réunion et au vote préalables : aujourd’hui on se défie davantage. M. Emile Combes a fait décider par le groupe qu’il préside au Sénat, la Gauche démocratique, que les progressistes d’une part et les socialistes unifiés de l’autre, ne seraient pas convoqués à la réunion plénière. Le groupe de M. Combes, animé de son esprit, a trouvé naturel qu’on frappât d’incapacité toute une fraction du parti républicain. Autrefois, M. Combes n’était pas aussi exclusif ; il ne l’était du moins que d’un côté et s’il frappait les progressistes d’excommunication, il tenait à faire bloc avec les socialistes unifiés ; il les regardait même comme une pièce maîtresse de sa majorité ; c’était le moment de la toute-puissance de M. Jaurès. A présent, on est brouillé. Ce n’est pas la faute des radicaux-socialistes ; Dieu sait toutes les concessions, toutes les palinodies qu’ils ont faites pour rester d’accord avec les socialistes unifiés ; mais ceux-ci se sont montrés intraitables, ils ont voulu rompre, ils ont rompu. M. Combes leur en a gardé rancune et lésa mis, avec les progressistes, à la porte de la République.

Cependant tout le monde n’a pas été de son avis et l’affaire a fait quelque tapage ; on a entendu une immense protestation venant, non seulement des exclus qui auraient pris le parti de l’être avec le mépris que méritait l’exclusion dont ils étaient l’objet, mais aussi, il faut le reconnaître, de quelques radicaux embarrassés et confus du rôle misérable qu’on leur faisait jouer. Nous citerions parmi eux M. Clemenceau, si M. Clemenceau était jamais embarrassé ou confus de quoi que ce soit ; ce n’est pas à des sentimens de ce genre qu’il a obéi ; mais enfin il est un autre homme que M. Combes, il a une autre largeur d’esprit et un sens politique autrement aiguisé ; on assure qu’il