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dans les applaudissemens qui l’ont accueilli, on a senti, à une sorte de vibration, que ni ses paroles, ni les applaudissemens de ses auditeurs n’étaient de ces choses banales qui font partie du protocole des assemblées. Il y avait dans l’air quelque chose de plus. Voilà pourquoi il serait particulièrement hors de propos aujourd’hui de faire de l’élection du président de la République, dans le sens étroit du mot, une élection de parti. Où est la force du ministère actuel et d’où vient sa solidité ? De son caractère national. On a fait longtemps, trop longtemps de la très petite politique : les circonstances nous imposent l’obligation d’en faire aujourd’hui de plus grande et de plus large. Puisse le Congrès de Versailles en avoir le sentiment le 17 janvier prochain ! Quand même son choix ce jour-là ne serait qu’une manifestation, il importe qu’elle soit faite dans un sens hautement national, et que l’homme qui entrera à l’Elysée avec l’autorité d’un long passé ne soit pas seulement le représentant de la République en France, mais celui de la France elle-même aux yeux du monde entier.


Les considérations qui précèdent nous sont inspirées en partie par la situation extérieure : elle s’est sans doute, depuis quelques jours, améliorée sur un point important, mais elle reste encore fort obscure, et personne ne se hasarderait à prédire dans quel sens elle évoluera. Sera-ce dans celui de la paix balkanique ? Sera-ce dans celui de la reprise des hostilités ? « C’est le secret de demain, » a déclaré M. Poincaré, le 21 décembre, à la Chambre, et il ne s’est pas chargé plus que nous de le deviner. « Si par malheur, s’est-il contenté de dire, une rupture se produisait, le rôle de l’Europe ne serait pas terminé. Elle ne pourrait pas assurément se montrer impassible devant une reprise des hostilités qui risquerait, cette fois peut-être plus que jamais, d’élargir le champ de la conflagration. Elle reviendrait sans doute à ses premières idées de médiation. La France, en tout cas, continuerait à seconder de tout son pouvoir et, au besoin, à provoquer les efforts des puissances en faveur de la paix. » On ne reprochera pas à ces paroles d’être trop optimistes : il faut les prendre pour ce qu’elles sont, un avertissement. Quelle est donc la situation actuelle ? Nous essayerons de l’exposer brièvement et nous demanderons ensuite ce qu’ils en pensent aux divers ministres qui viennent de prendre la parole, non sans avoir pesé leurs mots, à Londres, à Saint-Pétersbourg, à Rome et à Paris même, où M. Poincaré, avant la clôture de la session, a tenu à s’en expliquer devant la Chambre et devant le Sénat.