prêtèrent point attention. Pétrarque était mort dans la nuits M. de Nolhac croit avoir retrouvé le manuscrit où s’arrêta sa main tremblante, sur un renvoi aux lettres de Cicéron. Il suppose que Pétrarque fit un effort pour aller vérifier la référence et qu’il s’évanouit en se rasseyant. Je préfère l’ancienne version où sa tête serait retombée, inerte, sur son Virgile favoris Certes, Cicéron et Virgile furent par lui adorés presque également et il les confond dans son admiration :
Questi son gli occhi della lingua nostra.
Mais sa plus grande tendresse était pour le poète. Il avait
recherché ses souvenirs à Mantoue. Ses œuvres ne le quittaient
jamais, même en voyage. Tous les lettrés connaissent le
manuscrit sur vélin, annoté de sa main, qui fait la gloire de
l’Ambrosienne, après avoir été quelque temps, sous Napoléon Ier,
l’orgueil de la Nationale. Il me plait d’imaginer que c’est ce
volume qu’il prit pour se distraire un instant de son travail
d’érudition. Il lut quelques vers du poète qui était né de l’autre
côté des collines Euganéennes ; il entendit les alouettes lancer
leur joyeux appel au jour nouveau ; et il s’éteignit doucement,
avec la nuit, comme une lampe sans huile expire aux fraîcheurs du matin. Ainsi le dernier souffle du chantre de Laure
aurait effleuré les vers du cygne de Mantoue. Et) s’il est vrai
qu’au bois sacré des Muses s’assemblent les poètes en qui
brûla la pure flamme, celui qui avait déjà guidé Dante dans
son immortel voyage, dut accueillir Pétrarque au seuil du
temple d’Apollon et le faire asseoir à ses côtés, sous l’ombrage
retrouvé du laurier toujours vert.
GABRIEL FAURE.