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face aux Russes ; et voici que, à son tour, l’armée roumaine prend des mesures de mobilisation. Qu’un signal parte de Vienne et aussitôt les frontières seront franchies. Ainsi serait déclenchée, par le jeu mécanique des alliances et des ententes, cette effroyable guerre que le monde civilisé redoute. Le bruit de ces formidables préparatifs fait peser sur l’Europe une inquiétude générale ; l’opinion s’énerve et accuse le Cabinet de Vienne de troubler la paix pour tirer bénéfice du sang versé par les autres ; son attitude donne beau jeu aux partis ou aux Etats qui souhaitent et préparent la subversion de l’Autriche et la ruine des Habsbourg.

Que cette grande alarme s’apaise, ou qu’elle conduise l’Europe à une guerre, il est opportun d’en expliquer les causes au public français qui, en général, juge mal les affaires d’Autriche parce qu’il se représente tous les Etats comme unifiés et centralisés sur le modèle de la France. C’est ce que nous voudrions essayer de faire aujourd’hui.


I

Nous verrions clair dans les actes et dans les desseins de la politique autrichienne, si nous connaissions bien ses intérêts de toute nature et la part qu’elle a prise aux événemens qui ont préparé et amené la guerre actuelle. Essayons d’abord de débrouiller son rôle dans la genèse du grand conflit balkanique. Ici, il faut le reconnaître, nous sommes réduits aux hypothèses et aux inductions ; nous connaissons quelques faits, mais le fil qui les relie, le travail qui les a préparés, nous échappent et nous courons le risque d’interprétations erronées. En politique, le vraisemblable n’est pas toujours le vrai. Cette réserve faite, nous dirons tout simplement ce que nous croyons vraisemblable ; l’histoire jugera plus tard.

Constantinople et Salonique constituent une double solution de la question d’Orient : nous voulons dire que la domination ou l’influence, dans la péninsule balkanique, a depuis longtemps été considérée comme susceptible d’être partagée. Des plans, pour un pareil partage, ont été ébauchés, entre Vienne et Pétersbourg, dès le XVIIIe siècle : Salonique constituait la solution autrichienne, Constantinople la solution russe. La convention du 15 janvier 1877, préparée en juillet 1876 à l’entrevue de