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qui, depuis longtemps, l’Autriche entretient des relations d’amitié étroite ; il l’a averti que la guerre se préparait et lui a conseillé de ne rien faire pour l’entraver, de laisser les événemens suivre leur cours jusqu’au moment où la fortune apporterait aux deux gouvernemens l’occasion d’une intervention fructueuse ; la Roumanie aurait, dans tous les cas, ses « apaisemens. »

En résumé, s’il n’est pas permis d’affirmer qu’un accord ait été conclu entre la Bulgarie et l’Autriche avant le commencement des hostilités, il est certain que tout s’est passé comme si cet accord existait. Le diplomate supérieur qu’est le roi Ferdinand n’a certainement rien négligé, dans cette phase critique de son règne, pour mettre de son côté les plus grandes chances de succès. « Capable de tout entreprendre et de tout cacher, » il a pris toutes ses mesures pour réussir. Mais la fortune peut le trahir : alors, tandis qu’il rassure Pétersbourg contre l’éventualité d’un succès trop rapide et affirme qu’il ne vise pas Constantinople, il fait luire, à Vienne, la perspective d’une intervention pacificatrice et demande par avance une sauvegarde dont il espère n’avoir pas besoin, car il resserre fortement la coalition des quatre États ; et tandis que sa main pacifique classe ses herbiers et pique ses papillons, son esprit est tendu vers sa mobilisation qui s’achève et vers Sainte-Sophie dont, là-bas, la coupole se reflète dans les flots du Bosphore... C’est son rôle, qu’il joue en virtuose. Que l’accord ait existé ou non, ce qui demeure certain c’est que le gouvernement austro-hongrois a fait le calcul dont nous venons d’indiquer les élémens, et qu’il l’a fait faire au gouvernement roumain ; ils ont, l’un et l’autre, spéculé sur la défaite ou sur un succès médiocre des alliés ; ils escomptaient leurs chances de gain et les louanges de la postérité, mais la victoire changea le compliment d’adresse.


II

L’Empire austro-hongrois a, dans la péninsule balkanique, des intérêts considérables. A peine est-il besoin de le démontrer. Intérêts historiques et traditionnels ; depuis le siège de Vienne par Mustapha pacha, en 1683, ce sont les armées des Habsbourg qui, avant les soldats du Tsar, ont mené la lutte contre les Ottomans et les ont refoulés au delà du Danube ; ce sont les victoires du prince Eugène qui ont réveillé les chrétientés d’Orient