Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et administratives meilleures ; s’ils se décidaient à en sortir, ils trouveraient parmi les Slaves des Balkans des frères ou des alliés. Là git, à l’heure actuelle, pour les Habsbourg, tout le problème de l’avenir. Ils le savent. Les projets de réorganisation de l’Empire sur des bases nouvelles, que l’on prête, avec plus ou moins de raison, à l’archiduc-héritier François-Ferdinand, tiennent compte des droits et des aspirations des Slaves du Sud. Dans les milieux chrétiens-sociaux de Vienne, on discute, depuis quelques années, des plans de reconstitution des Etats des Habsbourg sur une base « trialiste » ou même fédéraliste. Nous aurons l’occasion de revenir, ici, sur ces projets et sur les rapports de la Croatie avec la Hongrie et l’Autriche. Rappelons seulement qu’au fond de tous les systèmes trialistes ou fédéralistes on trouve la préoccupation cachée de faire de l’Empire un organisme plus souple, capable d’attirer à lui des peuples nouveaux et particulièrement les Slaves des Balkans. Une Serbie puissante qui engloberait toutes les conquêtes que les armées serbes viennent de faire, qui aurait une partie des côtes de l’Adriatique, qui trouverait dans Salonique alliée un débouché économique, qui s’unirait étroitement, peut-être jusqu’à fusion complète, avec le Monténégro, qui s’appuierait sur la Bulgarie et sur la Grèce ses confédérées, serait évidemment pour l’Autriche un danger. Le prestige de la victoire et l’attrait de la force ferait d’elle un foyer d’attraction pour tous les Serbes, et même pour tous les Slaves du Sud ; ils graviteraient autour de Belgrade ; ils seraient tentés de réaliser l’unité de leur race en sortant de l’Empire, tandis qu’on avait nourri le secret espoir, à Vienne, de réunir, autour d’Agram et de la Croatie catholique, tous les Slaves du Sud maîtres des routes de Salonique et de la mer Egée.

L’effervescence a été très vive dans tous les pays slaves du Sud à la nouvelle des victoires bulgares et serbes. Spalato, Sebenico, Raguse, Cattaro, ont été le théâtre de chaleureuses manifestations en faveur des Serbes ; trois cent cinquante communes dalmates ont envoyé des adresses de félicitations à Belgrade. Tous les partis marchaient la main dans la main. A Spalato, le 10 novembre, on vit le podestat haranguer la foule du haut du balcon de l’Hôtel de Ville ; un bateau arrivant ce jour-là dans le port avec, à bord, un médecin et du personnel de la Croix-Rouge française, les cris de « Vive la France ! A bas l’Allemagne ! »