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du lendemain. Bismarck aborda tout de suite les affaires d’Église. Il affirma que les Rédemptoristes auraient pu entrer en Allemagne, moyennant une demande au Conseil fédéral ; mais que di Pietro, nonce à Munich, trop docile d’ailleurs à l’influence du Centre, avait plutôt gâté que servi leurs chances ; quant aux Jésuites, il avouait que c’étaient d’excellens éducateurs, mais l’heure n’était pas venue de s’occuper d’eux au Reichstag. Galimberti, à ce moment-là, était surtout pressé de parler de l’Europe, et ce fut de la Triple-Alliance que l’on causa. Le chancelier la présenta comme exclusivement défensive. « Si l’Italie donnait Rome au Pape, disait-il au prélat, elle n’en serait que plus forte, puisque ce serait un conflit de moins. » Que sans territoire le Pape ne put pas avoir une indépendance vraie, Bismarck l’accordait à Galimberti ; mais c’était une concession théorique. « Chaque jour a son travail, » se hâtait-il d’ajouter ; et cette formule signifiait évidemment qu’il n’était pas disposé, sur l’heure, à risquer pour le Pape les os d’un grenadier poméranien. Bismarck prévoyait cependant le cas où l’Italie évoluerait vers la République, c’est-à-dire du côté de la France : alors il n’hésiterait pas, disait-il, à favoriser le retour du Pape et de tous les souverains dépossédés. Quant à la neutralisation de l’Alsace et de la Lorraine, le chancelier laissa comprendre à Galimberti qu’il était trop tard pour soulever l’hypothèse d’une telle solution. Ce fut bien probablement une déception pour l’aventureux prélat.

Il y eut une autre question dont on causa, mais qui ne se résolut pas aussi bien que l’aurait voulu Galimberti, parce qu’en causant il parla trop. Il complotait une jolie surprise, que Guillaume pourrait faire à son auguste souverain. On allait fêter le jubilé sacerdotal du Pape ; une tiare offerte à Léon XIII par Guillaume ne serait-elle pas une belle couronne pour le Pape pacificateur ? On demandait au prélat ce que signifiait la tiare ; il répondait alors, — l’imprudent, — qu’elle symbolisait le triple pouvoir appartenant au vicaire de Jésus-Christ dans les choses du ciel, dans celles de la terre, dans celles du purgatoire. Alors Bismarck, en riant, s’inquiétait un peu : les choses de la terre, qu’était-ce à dire ? Et Bismarck finalement ne devait pas laisser envoyer une tiare, mais seulement une mitre.