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satisfaction des anciens catholiques d’Etat et le mécontentement du Centre. D’autres échos y survenaient, encore plus troublans : ils traduisaient l’anxieuse tristesse des évêques. Krementz, dès le 19 mars, avait écrit à Léon XIII ; il était singulièrement pessimiste : d’après lui, l’exercice du veto, tel qu’on voulait l’accorder à l’Etat pour la nomination des curés, asservirait et démoraliserait le clergé, et léserait l’indépendance de la hiérarchie ; la concession faite aux congrégations enseignantes de femmes était illusoire, puisque l’enseignement primaire leur demeurait fermé. Krementz annonçait que l’évêque de Munster, que l’évêque de Trêves, étaient d’avis de ne pas accepter la loi et d’attendre que la Prusse en présentât une meilleure ; il ne doutait pas que telle fût aussi l’opinion du Centre. Il suppliait donc le Pape de dire à Bismarck que cette loi ne suffisait pas ; ainsi « tant de sacrifices faits par les évêques, par le clergé, par le peuple ne resteraient pas stériles. » Le 3 avril, ayant pris l’avis de ses collègues, Krementz expédiait au Pape une lettre nouvelle, plus pressante, plus émouvante encore. Il montrait qu’un prêtre qui aurait déplu à l’Etat comme inspecteur scolaire, ou par son hostilité aux mariages mixtes, ou par un refus de sépulture ecclésiastique, ou par ses luttes contre le protestantisme, risquerait d’être à jamais frappé d’un veto ; et que les hommes d’Eglise dépendraient des fonctionnaires, qu’ils perdraient en partie l’estime du peuple. « Le gouvernement veut cette loi, expliquait-il, pour paralyser la défensive confessionnelle, et l’action électorale du clergé. » Il continuait en disant à Léon XIII : « Vos concessions seront irrévocables ; et les ministères successifs, eux, pourront revenir sur les concessions qu’ils vous font. » Parlant au nom de « presque tous les évêques, » il aimait mieux attendre encore la paix, que de consentir, par désir de la paix, à subir, après tant de labeurs, une défaite peu honorable, pour ne pas dire néfaste.

Ce ne sera pas une vraie paix, pensaient et disaient, à une ou deux exceptions près, les évêques de Prusse. « Ce sera la fin du Culturkampf, protestait, si l’on en croyait la Gazette de Cologne, le prélat Galimberti : tous les petits désirs de l’Église, sans doute, ne seront pas réalisés ; mais le sont-ils en Belgique, en France ? Il n’y aura plus à lutter, mais à causer diplomatiquement ; et plus tarderont entre le Centre et le gouvernement les rapports amicaux, plus tardera la réalisation de tous ces petits désirs. »