Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/655

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que les États finissent par recourir à la Papauté, ou bien qu’avec un absurde parti pris, ils continuent de se passer d’elle, la même loi se vérifie, d’une façon immuable : chacune des crises religieuses qu’ils suscitent tourne au profit du Saint-Siège et des influences romaines. De l’âpre couronne d’épines qu’avaient tressée Bismarck et Falk pour le clergé de Prusse, il restait à la longue, les épines une fois émoussées, une couronne pour Léon XIII.

Lorsque les « vieux-catholiques » avaient mis au service du Culturkampf tous les manèges de leur science et de leurs plumes, ils n’avaient assurément pas prévu ce résultat. L’heure était proche où la Bavière, par la voix même du ministre Lutz, allait leur infliger une dernière déception : Lutz, découvrant que certains dogmes antérieurs à l’infaillibilité avaient disparu de leur fragile symbole, déclarait que, juridiquement parlant, ils ne seraient plus considérés par l’État comme faisant partie de l’Église catholique ; c’en était fait de l’équivoque qui, vingt ans durant, avait maintenu dans quelques presbytères bavarois, sous le nom de curés catholiques, des prêtres hostiles à la Papauté, excommuniés par les évêques. Les vieux-catholiques avaient voulu expulser la Papauté de l’Église de Prusse ; elle s’installait, rayonnante, à la cime de cette Église. Lutz avait prétendu, vingt ans durant, installer les vieux-catholiques au cœur même du catholicisme bavarois ; et bientôt, d’un trait de plume, il devait les en expulser. L’infortuné Doellinger, sorti de l’Église romaine sans être entré dans les cadres du vieux-catholicisme, voyait dès 1887 cette triomphante Église, sous les traits du nonce de Munich, venir jusqu’à lui, toute prête à se rouvrir devant sa conscience tourmentée ; mais il persistait à rester solitaire, dans son ingrat et frileux campement, projetant sur l’avenir, sur sa mort prochaine, des yeux qui s’ouvraient largement sans se fixer nulle part, des yeux étrangement creux, qui semblaient chercher l’énigme du vide et souffrir de ne la point trouver, et qui, saisis par le pinceau de Lenbach, continueront de vivre sur une admirable toile, alors que depuis longtemps le vieux-catholicisme sera mort. Léon XIII aimait les savans et la parure qu’ils faisaient à l’Église ; les voir dans sa « communion » lui était doux ; les y revoir, plus doux encore. Son œuvre de paix, pour lui, eût été parachevée s’il avait pu faire rentrer la paix dans l’âme même de Doellinger ; Doellinger lui refusa cette joie.