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de Schloezer, prête au Pape, tout d’abord, des propos sur la situation européenne, et sur les vœux du Saint-Siège en faveur d’un rapprochement de l’Allemagne avec la Russie et avec la France ; puis des plaintes très vives, contre l’hostilité de l’Italie à l’endroit du Saint-Siège. Guillaume, d’après cette version, se serait étendu, dans sa réponse, sur les incertitudes de la politique française et sur les périls du panslavisme.

Quoi qu’il en soit, et quelque récit qu’on adopte, un incident dispensa l’Empereur de traiter à fond la question romaine. Le comte Herbert de Bismarck entra dans l’antichambre du Pape, suivi du prince Henri de Prusse : le ton du prince, le ton du comte, amenèrent le majordome à ouvrir la porte du cabinet papal ; le prince fit irruption. Léon XIII comptait avoir avec l’Empereur une conversation politique ; cette manœuvre y mettait un terme. Le Pape dit encore quelques paroles ; il invoqua pour les catholiques d’Allemagne la bienveillance de Guillaume II ; et les deux souverains se quittèrent.

Crispi triomphait ; et cependant, son triomphe avait un revers ; l’Italie royale avait donné la preuve au monde chrétien que, dans la Rome des papes et des empereurs, des moyens existaient pour empêcher un pape de causer librement avec un empereur. Léon XIII fut pour toujours ulcéré ; après la démarche à laquelle Herbert de Bismarck s’était amicalement prêté, les orientations politiques souhaitées par le cardinal Rampolla n’avaient plus d’obstacle, et le prélat Boccali, l’un des familiers pérugins devant qui Léon XIII pensait tout haut, disait à Montel, deux mois après : « Ceux qui, dans le passé, ont plaidé en faveur de la Prusse, ont subi et doivent subir une éclipse. » La « puissance papale, » — c’est là un mot qui pour Léon XIII avait un sens et dont le cardinal Rampolla faisait une réalité, — la puissance papale ne songea plus, désormais, à concerter avec la puissance allemande une politique générale.


X

Cet avortement de certains rêves, auxquels Galimberti avait généreusement collaboré, n’eut sur la destinée des catholiques allemands aucune répercussion fâcheuse : leurs intérêts, plutôt, parurent en profiter. Il était naturel que, dans les conseils pontificaux, tout le terrain perdu par l’Allemagne officielle fût peu à