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mot et à la chose : « Le nom de « Nouvelle-France, » dit, justement, l’historien de Henri IV, était une déclaration de l’importance que le gouvernement attachait aux nouvelles possessions. Le nom populaire de « Canada » n’aurait compris ni la côte du golfe du Saint-Laurent, ni la contrée maritime (et on pourrait ajouter fluviale) des Etats-Unis. La préférence donnée au mot de Canada par les historiens modernes doit être attribuée à l’inadvertance ou à l’ignorance de la moitié du pays dont se composait l’établissement colonial commencé et résolu sous Henri IV[1]. »

Quant au caractère même de la colonie, il était défini avec une exactitude parfaite par Champlain et ses disciples immédiats. « Les demandes ordinaires que l’on nous fait sont : Y a-t-il des trésors ? Y a-t-il des mines d’or et d’argent ?... Quant aux mines, il y en a vraiment, mais il les faut fouiller avec industrie, labeur et patience. La plus belle mine que je sache, c’est du blé ou du vin, avec la nourriture du bétail. Qui a de ceci, il a de l’argent. Et, de même, nous n’en vivons point quant à leur substance[2]. » Poutrincourt, au dire de Lescarbot, présenta à Henri IV cinq outardes ainsi que des échantillons de blé, froment, seigle, orge et avoine, qu’il avait semés à Port-Royal, « comme estant la chose plus précieuse que l’on puisse récolter en quelque pays que ce soit[3]. »

Ainsi, il s’agit bien d’une colonie de peuplement au delà de l’Océan ; il s’agit bien d’une « autre France. »

La situation géographique, le climat rude, mais sain, l’espace grand ouvert devant l’explorateur, le chasseur et le laboureur, les avantages immédiats de la pêche et de la traite des fourrures, la conformité des plantes et des fruits de la terre avec ceux de la mère patrie observée dès le premier voyage de Champlain, tout promettait le succès. Pourtant, le succès s’est fait attendre longtemps, et, une fois obtenu, la colonie a été séparée brusquement de la mère patrie.

La perte du Canada et des Indes, au XVIIIe siècle, a accrédité le dicton que « le Français n’est pas colonisateur. » Il serait, pourtant, cruellement injuste de l’appliquer, dans toute

  1. Poirson. Histoire de Henri IV, III, 366. — Cité par Garneau. Histoire du Canada. Appendices, p. 28.
  2. Lescarbot, cité par Garneau. Appendice LX (p. 29).
  3. Ibid., Append. LII.