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ALFRED FOUILLÉE

Alfred Fouillée, qui a disparu il y a quelques mois, a été l’un des représentans les plus réputés de la philosophie dans l’Université. Il avait reçu de la nature ces dons brillans qui étonnent avant de conquérir et qui, sans même attendre l’épreuve du temps, appellent, surtout dans notre pays amoureux de beau langage, un succès immédiat. Il a été un grand professeur, d’une parole généreuse, inventive, entraînante. Jeune encore, il était nommé maître de conférences à l’Ecole normale supérieure. Il arrivait avec le prestige d’une éclatante carrière scolaire, mais il avait une tâche redoutable. Il lui fallait paraître devant un auditoire que l’enthousiasme ne dispensait certes pas d’esprit critique ; il lui fallait surtout succéder à M. Jules Lachelier, un des maîtres que le respect environne, et qui avec un seul petit livre, profondément pensé, a exercé le plus d’influence sur des générations d’élèves. Alfred Fouillée tint cette gageure d’être, après un tel prédécesseur, un professeur aimé et admiré ; il avait des mérites d’un ordre bien différent ; il sut tout de suite intéresser et plaire, et son souvenir demeure chez tous ceux qui l’ont entendu.

Lorsque la maladie l’a obligé, après quelques années de professorat, à délaisser sa chaire, elle ne l’a pas fait renoncer à son œuvre. L’enseignement qu’il ne pouvait plus donner par la parole, il l’a donné par la plume. Pendant plus de trente années, il a vécu dans le Midi, et il n’a cessé d’écrire. Il s’était choisi, dans la douceur du climat provençal, une retraite où de tendres Soins ont longtemps sauvegardé sa santé. Et cette retraite a été singulièrement laborieuse. Alfred Fouillée a publié une trentaine