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CORRESPONDANCE
D’ALBERT SOREL[1]
1870-1874


A Albert Eynaud.


Bordeaux, 14 février 1871.

... Les tristes perspectives que je te laissais entrevoir se sont malheureusement découvertes, et à la vérité, quand je t’exprimais à ce sujet quelques doutes, je n’en avais guère moi-même. Je pense que tu auras compris que, sur beaucoup de points, il fallait lire entre les lignes. Je crois avoir rendu pleinement justice à Gambetta et à tout ce qu’il a pu faire, à tout ce qu’on a pu faire surtout de bien en son nom. J’ai su de très bonne heure à quoi m’en tenir sur son compte et j’ai été à même, par une rencontre bien singulière, de connaître sa conduite à l’égard du gouvernement de Paris bien avant qu’aucun bruit n’en eût transpiré dans le public. Ce ne sera pas le souvenir le moins curieux de la curieuse campagne que je viens de faire. Mais je ne puis ici donner place à ces détails, tout rétrospectifs d’ailleurs. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’à Tours il fallait obéir à cette dictature et la soutenir même : les efforts tentés et les résultats obtenus étaient relativement énormes, le temps pressait et si on critiquait avec bien de la raison, il ne se présentait personne pour faire quoi que ce soit. L’Assemblée n’eût rien fourni : celle qui vient de se réunir ne le prouvera que trop. Elle eût fait la paix, et la paix eût été prématurée. Il fallait lutter tant que la lutte était possible : on ne pouvait pas vaincre, mais

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1912.