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à réparer, et si cette réparation est d’une extrême urgence, comment ne s’en est-on pas aperçu plus tôt ? Et si on s’en est aperçu, pourquoi n’a-t-on rien fait ? Pourquoi enfin a-t-on attendu la manifestation d’un danger direct et immédiat, venu du dehors, pour demander aux Chambres les crédits indispensables ? On nous dit sans cesse, on nous a encore répété ces jours derniers que, parmi les reconstitutions et les réorganisations que la France devait à la République, figurait au premier rang celle de l’armée. Ce sont là de belles paroles ; elles font très bien à la tribune de la Chambre et dans des professions de foi électorales : le malheur est que, lorsque le moment vient de demander à l’armée un effort de quelque importance, on reconnaît aussitôt qu’elle n’est pas à même de le fournir. Rendons grâce une fois de plus à l’Allemagne : nous lui devrons d’avoir corrigé quelques-uns des défauts de notre armement ou d’en avoir complété certains élémens. Mais hâtons-nous de dire que cela n’est rien et que le gouvernement doit maintenant demander au pays un tout autre sacrifice, plus difficile et plus méritoire.

Bien que notre situation financière soit, elle aussi, sérieuse et inquiétante, toutes les fois qu’on demandera aux Chambres de l’argent pour la défense nationale, on l’obtiendra sans trop de peine ; mais quand on leur demandera des hommes, le résultat sera moins assuré. Or c’est d’hommes que nous avons besoin. La crise dont notre armée souffre est avant tout celle qui résulte de la pénurie des effectifs, et la pénurie des effectifs résulte de la loi qui a établi chez nous le service de deux ans. Cette loi a été funeste ; on s’en aperçoit aujourd’hui et une clameur générale s’est élevée contre elle ; elle est poussée par les hommes les plus compétens, et les autres font chorus. L’opinion, — nous parlons de celle qui est exprimée par les journaux, — n’est pas loin d’être unanime et, malgré cela, nous nous demandons si le service de deux ans sera supprimé et si le service de trois ans sera rétabli.

On a commencé par dire qu’une durée de deux ans était insuffisante pour certaines armes, notamment pour la cavalerie et l’artillerie montée ; la démonstration en a même été faite avec une force si convaincante que nous ne voyons pas comment on pourrait en détruire l’effet ; mais si le mal est moins grand ailleurs, il n’en existe pas moins et toute notre armée en souffre. On entend répéter partout que nos compagnies d’infanterie comme nos escadrons de cavalerie sont réduits à l’état de squelettes et que pendant quelques mois de l’année, après le départ de la classe qui est la plus instruite,