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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/244

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et on ne voit pas sur quel point pourraient désormais se manifester des événemens éclatans : peut-être dans la péninsule de Gallipoli, mais là aussi on ne voit rien venir. Les Turcs, battus à Boulaïr, se sont retranchés dans la péninsule et y semblent inexpugnables. Si les choses continuent de la sorte, la guerre se prolongera jusqu’à l’usure complète des vivres et des munitions dans les villes assiégées. Combien de temps y faudra-t-il ? Nul ne le sait. L’hiver même, qui est très rude cette année dans les Balkans couverts de neige, ralentit les opérations. Pendant que la guerre se poursuit lentement, les questions qu’elle a fait naître restent aussi sans solution. La discussion continue entre la Roumanie et la Bulgarie ; elle n’aboutit pas. On parle un jour d’arbitrage, le lendemain de médiation : ni l’un ni l’autre ne se produit. La Conférence des ambassadeurs s’est de nouveau réunie à Londres : elle a eu de longues séances et sans doute s’est-elle occupée des frontières à donner à l’Albanie de demain, mais il ne semble pas qu’elle ait résolu ce problème difficile. Quand on pense à tous ceux qui restent encore à résoudre, on commence à croire qu’il faut s’armer surtout de patience. Un événement militaire de quelque importance pourrait seul modifier la situation ; mais cet événement ne semble pas être prochain. L’opinion s’en rend compte et en éprouve quelque lassitude. Elle a toutefois le sentiment que, sous ces apparences d’une activité en décroissance, se cachent des intérêts qui restent très éveillés, très attentifs, très âpres, et que l’on sait de nature à provoquer des événemens très graves. Aussi l’Autriche et la Russie demeurent-elles armées, dans l’attente, et tous les gouvernemens se préparent-ils à quelque chose, peut-être sans savoir très bien à quoi. Enfin aux armemens austro-russes viennent s’ajouter ceux de l’Allemagne et de la France qui, pour avoir un tout autre caractère, ne témoignent pas moins de préoccupations sérieuses.

C’est dans ces conditions que s’ouvre le septennat présidentiel de M. Poincaré, et que son gouvernement doit prendre, sans perdre un moment, des résolutions politiques, diplomatiques, militaires qui influeront sur l’avenir du pays et même de l’Europe. Heureusement M. Poincaré a terminé son éloquent Message par le mot d’ « énergie. »


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.