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REVUE. — CHRONIQUE.

quelque inconvénient, peut-être même quelque injustice à le faire. M. de Jagow est sans douté un diplomate exercé, mais il n’a pas encore l’habitude des assemblées délibérantes, ni de l’atmosphère qu’on y respire et dont il faut se défendre. Quoi qu’il en soit, son discours a produit chez nous une impression pénible que nous ne pouvons pas nous abstenir de signaler.

Nous ne parlons que pour être complet de l’incident d’Arracourt : on n’y a attaché qu’une importance secondaire. Mais les faits de ce genre se renouvellent, en vérité, un peu trop souvent et l’attention des deux gouvernemens doit s’appliquer à en prévenir le retour. Le mieux serait que les manœuvres des dirigeables et des aéroplanes se fissent assez loin de la frontière pour quels danger de la franchir involontairement ne se produisît plus. En tout cas, il y a un intérêt évident et urgent à ne pas laisser au hasard des circonstances le règlement de ces sortes d’affaires. Le gouvernement français l’a pensé et il a fait auprès du gouvernement allemand une ouverture qu’on ne saurait trop approuver en vue de soumettre à un règlement international la solution des difficultés, inconnues de nos pères, qui naissent de la navigation aérienne. On s’est montré, à Berlin, tout disposé à donner suite à cette suggestion. La matière est nouvelle, délicate, complexe, et il faut s’attendre à ce que le règlement à établir ne s’élabore pas en un jour; mais c’est une raison de plus pour se mettre à l’œuvre sans retard. Jusqu’à ce que cette législation de l’air soit fixée, il entrera inévitablement un peu d’arbitraire dans les solutions qui seront données à chaque cas particulier, et qui n’en voit l’inconvénient ?

Ne nous plaignons pourtant pas trop de ces incidens : ils ont montré une fois de plus combien est sincère notre désir de vivre en bonne intelligence avec tous nos voisins. Aucun pays, aucun gouvernement n’ont donné plus que la France et le gouvernement français des gages de leurs dispositions pacifiques ; mais le maintien de la paix ne dépend pas d’une seule partie, il dépend de toutes; il ne dépend pas seulement des gouvernemens, il dépend de l’opinion dont la force devient de plus en plus prépondérante et qu’il est périlleux d’entretenir dans un perpétuel qui-vive ! M. Barthou a essayé de le faire entendre dans un discours récent. La France use d’assez de ménagemens envers les autres pour avoir droit à quelque réciprocité. C’est de cette réciprocité que la paix est faite : c’est quand elle n’existe pas que la paix est menacée.

En Orient, la prise de Scutari par les Monténégrins n’a pas sim-