O toi, le premier parmi ta génération de ces hommes — que la louange anglaise s’est plu à acclamer comme nés du sang anglais, — ô toi dont les yeux rivalisaient avec le regard universel du matin — à la fois pour les rayons des larmes et du rire, s’attendrissant surtout
lorsque des pensées d’enfans échauffaient leur lumière, ou bien lorsque — le respect d’une vieillesse usée par l’amour et la peine, — ou bien encore une divine pitié lancée en compagnie d’un divin mépris — projetaient à travers eux une flamme qui donnait des ailes à ta rapide et vivante plume ;
là où brûlent des étoiles et des soleils que nous ne voyons pas, — plus haut même qu’en ce monde, bien qu’en ce monde ta place ait été la plus haute, — notre amour voit ton esprit parler et se divertir et étinceler
avec Shakspeare et la douce âme brillante de Sterne, — et la puissante bonté de Fielding et la grâce de Goldsmith, — tous maîtres dont un seul à peine est plus aimé que toi, ou plus digne d’amour !
Ce beau sonnet en l’honneur de Dickens, — fatalement condamné, d’ailleurs, à perdre la plus grosse partie de sa beauté dans une traduction, — a été publié en 1882 par A. C. Swinburne ; et je me souviens encore de la surprise avec laquelle l’ont accueilli, en ce temps-là, les plus fervens admirateurs du célèbre poète lyrique anglais. C’était un temps où la renommée de Dickens traversait, dans son pays, une crise assez semblable à celle que subissait alors chez nous la gloire de Mozart. Fatigués peut-être de l’unanimité des éloges qui, durant les années précédentes, avaient exalté au-dessus de tous les romanciers