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moindres et la même efficacité. Le fait a montré que ces derniers avaient raison, puisque le Monténégro a cédé ; mais, avant le dénouement, on pouvait douter du succès, et l’Autriche en doutait. Elle faisait plus : estimant que son prestige personnel était intéressé à une solution immédiate, elle voulait cette solution, quel qu’en fût le prix. — On avait déjà trop attendu, disait-elle ; la politique d’atermoiement avait fait faillite ; il fallait en venir à une politique d’action ; elle était décidée à y recourir pour son compte, si les autres y répugnaient et s’en abstenaient. — Cette attitude de l’Autriche n’avait rien qui pût surprendre. L’opinion était partagée, dans ce pays, en deux partis opposés, qui luttaient l’un contre l’autre depuis les premières victoires des alliés balkaniques : l’un poussait à l’intervention militaire collective ou isolée, et, de préférence, isolée ; l’autre recommandait l’action politique d’accord avec les autres Puissances. Le gouvernement austro-hongrois a toujours été pour ce dernier système. On ne pourrait savoir trop de gré à l’empereur François-Joseph et au comte Berchtold de la fermeté avec laquelle ils ont résisté à des entraînemens dangereux ; une pression très forte a été exercée, ils y sont restés longtemps réfractaires ; toutefois, après l’occupation de Scutari par les Monténégrins, leur détermination s’est modifiée. La situation était nouvelle et troublante. Le gouvernement austro-hongrois se rendait parfaitement compte qu’une intervention militaire isolée serait pour lui une source de complications et de dangers, mais, après avoir pesé ces dangers et les avoir comparés à ceux qui résulteraient d’une abstention plus longtemps prolongée, les seconds lui semblaient plus graves encore que les premiers et il penchait à préférer ceux-ci ; il avait même pris son parti de les affronter.

Pourtant l’intervention de l’Autriche aurait été une faute. Nous verrons dans un moment qu’elle aurait provoqué celle de l’Italie et, de cette action à deux, ce n’est pas l’Autriche qui aurait tiré le principal avantage ; mais, indépendamment de cette considération dont l’importance n’a pas tardé à apparaître au Cabinet de Vienne, d’autres encore lui conseillaient, sinon une politique d’abstention, au moins une politique d’attente. Il y a, en effet, dans les Balkans, des difficultés en perspective au milieu desquelles l’Autriche, si elle sait attendre les occasions et en profiter, peut jouer à meilleur compte une partie profitable. Une intervention prématurée aurait eu, au contraire, pour conséquence de réunir plus fortement que jamais contre elle le faisceau des forces balkaniques. Était-ce bien son intérêt et une pareille politique n’était-elle pas de nature à lui créer des embarras