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errantes de brigands ou de soldats irréguliers, les vieux ennemis de la paix et de la civilisation romaines, les nomades du Sud, les Maures de l’Atlas, les montagnards kabyles se précipitaient sur les campagnes et sur les villes, pillant, tuant et brûlant tout sur leur passage. Ce fut une désolation : « Des pays, autrefois prospères et peuplés, ont été, dit Augustin, changés en solitudes. »

Finalement, au printemps de l’année 429, sous la conduite de leur roi, Genséric, les Vandales et les Alains, après s’être réunis sur la côte d’Espagne, passèrent le détroit de Gibraltar. Cette fois, ce fut la dévastation, en grand. Une armée de 80 000 hommes se mit à saccager méthodiquement les provinces africaines. Cherchell, déjà bien éprouvée lors de la révolte du Maure Firmus, fut de nouveau prise et brûlée. Toutes les villes et les places fortes du littoral succombèrent l’une après l’autre. Seule Constantine, du haut de son rocher, continuait à défier les envahisseurs. Pour affamer les habitans, qui désertaient les villes et les fermes et qui se réfugiaient dans les gorges de l’Atlas, les Barbares détruisirent les moissons, incendièrent les greniers, coupèrent les vignes et les arbres fruitiers. Et, pour les forcer à sortir de leurs cachettes ils mettaient le feu aux forêts qui couvraient les pentes des montagnes.

Ces destructions stupides allaient contre le but des Vandales, puisqu’ils tarissaient ainsi les richesses naturelles de l’Afrique, ces richesses dont le renom les avait attirés. L’Afrique, pour eux, était le pays de l’abondance, où l’on boit du vin plus qu’à sa soif, où l’on mange du pain de froment. C’était le pays de la vie large, facile et heureuse. C’était le grenier de la Méditerranée, la grande pourvoyeuse de Rome. Mais leur avidité imbécile de l’or les amenait à ruiner des provinces où ils comptaient pourtant s’établir. Ils procédèrent en Afrique comme ils avaient procédé à Rome, sous Alaric. Afin d’arracher leur or aux habitans, ils leurs infligèrent les mêmes tortures qu’aux riches Romains. Ils en inventèrent de pires. Les enfans étaient fendus en deux, comme bêtes de boucherie, sous les yeux de leurs parens. Ou bien on leur écrasait la tête contre les murs et les pavés.

L’Église passant pour très riche et, peut-être, ayant fini par englober dans ses domaines la plus grande part de la propriété foncière, — c’est contre elle surtout que les Barbares s’acharnèrent. Les prêtres et les évêques furent tourmentés avec des raffinemens de cruauté inouïs. On les emmenait comme esclaves, à la