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domine toute la situation et, à chaque fois, il l’emporte. Espérons qu’il l’emportera jusqu’au bout.

Nous avons dit qu’on avait essayé de le renverser avant l’ouverture du débat sur le service de trois ans ; mais au fond, et nul ne pouvait s’y tromper, c’était bien le service de trois ans qui était en cause dès ce moment : on l’accusait en effet d’avoir méconnu l’esprit de la loi en décidant le maintien sous les drapeaux de la classe libérable à la fin de septembre. La Chambre l’en a approuvé. Était-il donc sauvé ? Pas encore : il lui restait une nouvelle attaque à soutenir et une attaque qu’on disait devoir être plus dangereuse que la première, parce qu’il ne s’agissait plus aussi directement, aussi évidemment de la question militaire et parce que M. Caillaux devait donner en personne. Le maintien de la classe entraînait une dépense ; il fallait donc voter un crédit et, à travers ce crédit, l’opposition découvrait et dénonçait les projets financiers ultérieurs de M. le ministre des Finances. Ces projets sont critiquables : il serait d’ailleurs difficile d’en inventer qui ne le seraient pas. C’était pour M. Caillaux une belle occasion de descendre dans la lice avec le fanion du parti radical-socialiste dont il est l’orateur le plus distingué. M. Charles Dumont, le ministre actuel des Finances, a peut-être d’autres mérites, mais il n’est pas encore un grand financier et, dans un corps à corps avec M. Caillaux, on pouvait croire qu’il montrerait quelque infériorité. En quoi on ne s’est pas trompé. M. Caillaux a bien saisi le point faible des projets ministériels, et plus d’une de ses observations mérite d’être retenue ; mais ses critiques étaient prématurées. La Chambre discutera plus tard les projets de M. Dumont, elle dira alors ce qu’elle en pense, c’est une question d’avenir : pour le quart d’heure, il suffisait d’un crédit plus modeste. C’est ce qu’a fait remarquer M. Barthou dans une improvisation très heureuse. Le discours de M. Caillaux, et aussi ses intentions, dépassaient de beaucoup la portée du vote à émettre. M. Barthou s’est placé et il a ramené la Chambre sur le terrain politique, qui était bien d’ailleurs celui où M. Caillaux avait voulu se placer lui-même : seulement, M. Caillaux n’avait garde de le dire, et M. Barthou l’a dit. La Chambre a pu alors comprendre la signification qu’aurait son vote et elle a donné une forte majorité au ministère. La campagne radicale-socialiste avait manqué son but. Que d’espérances, cependant, avaient été mises dans l’intervention de M. Caillaux ! On voyait déjà se reformer derrière lui l’union des gauches qui nous a si longtemps gouvernés. Quelques paroles de M. Barthou ont fait une clarté où on s’est reconnu et ressaisi. Et, une fois de plus, le gouvernement a triomphé.