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le diminuer, mais non l’annuler et qu’il est une condition même de leur fonctionnement. Le premier principe de la thermodynamique énonce que l’énergie totale d’un système quelconque est constante ; le second principe indique que l’énergie utilisable diminue ; il n’y a là nulle contradiction.

C’est pourquoi, puisque tout le mouvement peut se transformer en chaleur, et seulement une fraction de celle-ci en mouvement, un système matériel quelconque abandonné à lui-même, et l’univers tout entier, si on l’assimile, comme c’est légitime, à une machine thermique, doit tendre vers un état final où tout mouvement visible et aussi toute différence de température auront disparu pour faire place à une chaleur uniforme et à une complète immobilité.

Or, sans mouvement, sans inégalités de températures il n’y a plus de vie ni de rayonnement, car les phénomènes ne naissent que de l’hétérogène, du déséquilibre, si j’ose dire, de même que la vie ne naît que de la différenciation. Une mare croupissante est un être mécaniquement inexistant, contînt-elle des centaines de tonnes d’eau ; au contraire le moindre ruisselet, à cause de la différence de niveau qui le fait couler, est un être vivant et utile. Si je porte à une même température de plusieurs centaines de degrés toutes les parties d’une machine à vapeur, celle-ci ne marchera pas pour cela ; ce qui seulement la fera marcher, c’est une différence de température entre ses divers organes.

Et voici maintenant la conclusion, l’antithèse qui se dresse en face de la doctrine établie sur le seul premier principe de la thermodynamique : Si on peut étendre le principe de Carnot à tout l’Univers, celui-ci tend nécessairement vers une sorte de mort thermique (il est difficile de traduire autrement le Wärmetod de Clausius) qui le figera sans retour vers une terne et cadavérique immobilité.

Avant d’aller plus loin et d’examiner les objections diverses qu’ont soulevées ces conclusions de la thermodynamique cosmique, on nous permettra de remarquer, au risque de refroidir certains enthousiasmes tendancieux, que la croyance à la pérennité de l’Univers a été, suivant les circonstances, invoquée à l’appui d’idées philosophiques tout à fait opposées. Aujourd’hui, ce sont les philosophes matérialistes, les monistes disciples de Hœckel qui croient à un recommencement perpétuel des choses, à un monde sans cesse renouvelé et réparant de lui-même les fêlures qu’on y découvre ; c’est que l’idée que le monde puisse mourir entraîne pour eux celle qu’il a été créé, ce qu’ils jugent inadmissible. Au contraire, au xviie siècle, on soutenait avec Descartes que seule l’immortalité des quantités de matière et de mouvement con-