vis-à-vis des dépositaires de son autorité plus exigeant, plus soupçonneux et plus irascible. Dans un conseil des Ministres qu’il présida au mois de mars avant de partir pour l’armée, il passa en revue les préfets et il en remplaça plusieurs. Arrivé à Thibaudeau, contre lequel il nourrissait des préventions, il demanda à Montalivet, le ministre de l’Intérieur, ce qu’il pensait de ce fonctionnaire. Le ministre répondit qu’il n’y en avait pas de meilleur dans toute l’administration impériale.
— Je dirai avec la même franchise à Votre Majesté, ajouta-t-il, que M. Thibaudeau n’est pas content à Marseille, sous deux rapports : le premier, parce qu’il a le sentiment de sa force et qu’il se croit, avec quelque raison, supérieur à la place qu’il occupe ; le second, c’est qu’il croit que Votre Majesté n’a plus en lui la même confiance, et la question qu’elle m’a faite prouve qu’il a quelques sujets de craindre. Il a demandé souvent à rentrer au Conseil d’Etat et mon opinion est que Votre Majesté devrait l’y rappeler en lui donnant une direction générale que méritent ses talens et ses services.
— Et si je ne veux pas la lui donner, s’écria l’Empereur, ni le rappeler au Conseil ?
— Alors, Sire, je pense qu’il doit rester à Marseille.
— Eh bien ! il n’y a qu’à l’y laisser. Qu’il y reste !
Ce n’était pas la disgrâce complète ; mais ce n’était pas non plus un témoignage de bienveillance. Montalivet en fut attristé. Il écrivait :
« Je n’ai point eu de liaison bien intime avec M. Thibaudeau, mais je suis bon Français, et, en cette qualité, je ne puis oublier le service important qu’il rendit à ma patrie, lorsque, par sa conduite ferme et courageuse, il empêcha le retour de la Terreur. »
Quelque flatteur que fût ce témoignage en faveur de l’attitude passée de Thibaudeau, il ne pouvait dissiper les alarmes que conçut justement le préfet de Marseille en apprenant la scène dont il avait fait les frais. Il écrivit à Fouché pour la lui faire connaître et solliciter son intervention protectrice. Fouché n’était plus ministre de la Police. Mais, à l’en croire, il conservait toujours la confiance de l’Empereur, qui le traitait, disait-il, « avec affection. »
Dans la réponse où il en donnait l’assurance à Thibaudeau, il lui disait : « Je crois pouvoir t’assurer que les préventions