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qu’on ne s’en fût pas aperçu plus tôt. Quoi qu’il en soit, on a consulté des comités médicaux-militaires et, comme il arrive souvent, Hippocrate a dit oui et Galien a dit non. Mais, si on songe que Galien, dans l’espèce, s’appelle M. le docteur Roux, directeur de l’Institut Pasteur, et M. le professeur Landouzy, doyen de la Faculté de médecine de Paris, on conviendra qu’il y avait lieu de s’arrêter devant de si hautes autorités. Au surplus, quand nous parlons de l’affaiblissement que causera à l’armée l’incorporation de la classe de 20 ans, c’est moins aujourd’hui au point de vue sanitaire que nous nous plaçons à ce moment qu’à celui du très faible degré d’instruction militaire que l’armée présentera demain. Nous en avons dit un mot, nous y insistons, et, pour nous faire mieux comprendre, nous ne saurions mieux faire que de citer M. le président du Conseil. Dans la séance du 4 juillet, après avoir repoussé les intentions que lui prêtait M. Jaurès et que nous venons de rappeler, il a fait allusion à l’incorporation possible, dès novembre prochain, de la totalité ou d’une partie d’une classe âgée de 20 ans. Il ne se prononçait pas encore sur la question ; mais, ajoutait-il expressément, « comme le maintien de la classe (de 1910) nous a été imposé par des nécessités extérieures dont le moins que je puisse dire, à l’heure actuelle, c’est qu’elles n’ont pas disparu, le gouvernement ne pourra libérer la classe, il ne la Libérera, que s’il a, non seulement en nombre, mais encore en qualité, des forces qui lui permettent de faire face à la situation internationale. » Langage excellent, que la Chambre a applaudi, et dont nous retenons surtout les deux mots les plus importans, à savoir que la classe de 1910 ne serait libérée que si elle pouvait être remplacée, non seulement en quantité, mais en qualité. Eh bien ! nous ne savons pas encore si, par le système de la loi nouvelle, la classe de 1910 sera remplacée en quantité suffisante ; mais, en qualité, non, elle ne le sera pas. Chaque homme de cette classe, qui s’en ira au mois de novembre, après avoir fait deux ans de service, sera remplacé par un petit conscrit qui n’en aura pas encore fait un seul jour. Où sera l’équivalence de qualité entre ce qu’on perdra et ce qu’on gagnera ?

Lorsque M. Barthou tenait le langage que nous venons de rappeler, il avait, — probablement, — en vue une solution transitoire, à laquelle quelques bons esprits sont restés courageusement fidèles jusqu’à la fin de la discussion. Nous n’avons nous-même aucune hostilité de principe contre l’incorporation à 20 ans ; elle a incontestablement de grands avantages sociaux, et ses inconvéniens militaires peuvent être atténués, si on procède à une sélection sévère et si on ne prend, parmi