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On ne saurait douter des intentions du roi Charles : elles sont certainement très bonnes. La Serbie, la Grèce, — et nous allons voir qu’il en est de même de la Turquie, — ont eu jusqu’ici les victoires trop faciles et trop nombreuses pour n’en être pas un peu éblouies ; elles l’ont d’ailleurs été à des degrés différens, la Serbie moins que les autres, semble-t-il ; mais elles l’ont été toutes et, dans l’entraînement qu’elles en ont éprouvé, elles ont peut-être un peu trop oublié qu’elles n’étaient pas seules dans les Balkans, ni même en Europe, et que, en dépit de leur prétention de régler leurs affaires à elles seules, elles risquaient de se heurter, un jour ou l’autre, à d’inévitables interventions. Le roi de Roumanie, particulièrement bien placé pour voir venir le danger, l’a aperçu en effet et l’a signalé. Ce qui est arrivé par la suite dorme à croire qu’il ne s’est pas trompé. Au premier moment, la Serbie et surtout la Grèce ont manifesté l’intention de continuer encore un peu les hostilités, afin d’avoir en main le plus de gages possible au moment de la paix qu’elles sentaient bien être prochaine. Militairement, ce plan a réussi et, au dernier moment, la Grèce vient d’obtenir un nouveau et très brillant succès à Simitli, près de Dubnitza ; mais, politiquement, il serait très périlleux de persister dans cette voie de batailles et de victoires. On s’explique cependant que les vainqueurs n’aient montré aucun empressement à s’arrêter ; on a moins bien compris que la Bulgarie irrémédiablement vaincue pratiquât le même système de temporisation et tergiversât autour du parti à prendre. Qu’attendait donc le roi Ferdinand ? On ne lui reconnaissait plus sa présence d’esprit et son opportunité de décision habituelles. Mais on n’était pas dans le secret des négociations diplomatiques qui se poursuivaient. Subitement, l’Autriche et l’Italie, par une démarche dont elles ont pris l’initiative en dehors des autres Puissances, ont brutalement souligné à Belgrade et à Athènes, en lui donnant une forme plus impérieuse, le conseil que la Serbie et la Grèce avaient déjà reçu du roi de Roumanie. Elles ont prononcé une sorte de Quos ego ! et ont déclaré qu’elles ne laisseraient pas écraser la Bulgarie. Le jeu politique qui se poursuit dans les Balkans est apparu alors avec plus de netteté. Il ne pouvait évidemment pas se prolonger sans danger. Il était temps d’y mettre fin. Tout le monde l’a senti, et les négociateurs serbes, grecs et, monténégrins, ont pris enfin le chemin de Bucarest. C’est là que la paix sera faite, et il y a dans le choix de cette ville un bénéfice moral pour la Roumanie. Dans une note adressée aux Puissances, elle se réserve « le rôle de conciliateur, » mais, pour le remplir utilement, elle indique une condition qui lui