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conjurer la menace. C’est le service que M. Barthou lui a rendu. Qu’il y ait eu des défauts, des faiblesses, des défaillances mêmes dans l’exécution, nous n’avons pas été les derniers à le dire ; mais enfin la loi de trois ans est votée, et nos alliés, nos amis, aussi bien que nos adversaires éventuels, ont pu voir que la France, qu’on avait présentée comme amollie par le pacifisme, savait se redresser, quand il le fallait, dans un mouvement énergique : on pouvait compter sur elle et il faudrait, à l’occasion, compter avec elle. Nous l’avouons maintenant que le vote est acquis, nous n’avons pas été, à plusieurs reprises, sans quelque appréhension sur ce qu’il serait. L’opposition socialiste et radicale-socialiste a été si forte, si obstinée, si tenace et elle a pris, au cours du débat, tant de formes diverses, que le résultat final a pu, par moment, paraître incertain. Sans doute les Chambres voteraient quelque chose, mais quoi ? Les contre-projets, les amendemens se multipliaient ; ils avaient tous pour objet, ou du moins ils auraient eu tous pour effet de diminuer la loi et de l’énerver. Ils y ont d’ailleurs partiellement réussi. La loi qui vient d’être promulguée ne vaut pas celle que le gouvernement avait présentée à l’origine ; mais il en a sauvé les parties essentielles, et au printemps prochain, nous aurons un outil militaire d’un rendement très supérieur à celui que nous avait donné la loi de 1905. Et enfin, dans deux ans, le service de trois ans sera pleinement réalisé. L’Allemagne, à laquelle nous rendons la justice qu’elle ne s’est jamais endormie dans la confiance que pouvait lui inspirer sa force militaire, pourtant si grande, et qui l’a augmentée sans cesse, nous a enfin rendu le service de secouer notre torpeur. Nous aurions été inexcusables de ne pas profiter de la leçon qu’elle nous donnait.

La discussion de la loi militaire au Sénat a été ce qu’elle pouvait être ; il était bien difficile, soit d’un côté, soit de l’autre, d’inventer des argumens nouveaux. Mais on connaît le mot de Pascal : « Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle ; quand on joue à la paume, c’est une même balle dont jouent l’un et l’autre, mais l’un la place mieux. » Rarement cette vérité a paru plus évidente que lorsque le Sénat a entendu le discours prononcé par le général Pau comme commissaire du gouvernement. Lorsqu’un homme du métier joint à une compétence hors de pair quelque talent de parole, les mêmes choses prennent en sortant de ses lèvres une valeur qui n’avait pas encore frappé. C’est ce qui est arrivé avec le général Pau. Il a montré une fois de plus à quel point le nombre et la permanence dans les effectifs étaient nécessaires pour