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Il faut visiter ces casemates, protégées par d’épaisses couches de béton, se rendre compte de la raison de certains flanquemens, étudier l’emplacement de pièces d’artillerie, pour comprendre ce que fut la science consommée des ingénieurs italiens de la Renaissance. Et pour bien l’apprécier, deux promenades sont nécessaires : l’une, à l’intérieur sur le chemin de ronde, et l’autre, sur les glacis ou dans le fossé. Peut-être, en quelque endroit, y a-t-il un angle mort, mais je n’en ai pas trouvé.

Une seule porte, celle de Limassol, au millésime de 1854, sur le front de terre, permet d’entrer dans la ville.

Autrefois, une autre porte, datant de 1496, s’ouvrait sur la mer ; mais, depuis quelques années, les Anglais en ont percé une troisième.

À l’angle sud-est se trouvait, relié à la mer par une porte d’eau, le bassin de l’arsenal maintenant recouvert de terre et transformé en jardins, dans lesquels poussent des orangers, des mandariniers et des grenadiers.

À l’angle nord-est, lui faisant pendant, il y a le château ou, pour mieux dire, le fort. On pénètre à l’intérieur par une porte en plein cintre, ornée du lion de Saint-Marc et portant cette inscription : Nicalao Foscareno Cypri Praefecto MCCCCLXXXXI.

Ce fort rappelle, et par sa situation et par les différentes modifications qu’apportèrent à sa défense les Vénitiens, le château de Cérines que nous visiterons plus tard.

Le noyau date de 1310, mais à l’époque de Sanmicheli, il fut renforcé et complètement transformé.

Illustré par sa véritable histoire, le château de Famagouste ne l’a pas moins été par les tragiques amours de Desdemone et d’Othello, le more de Venise, dont Shakspeare avait fait un gouverneur de Chypre. Et, là encore, la légende, se mêlant à la vérité, contribue à faire, de cette ville extraordinaire, un des sites les plus captivans du monde.

En sortant par la porte de Limassol, une route bordée de pins, d’eucalyptus, de mimosas aux senteurs exquises, et qui sont, au printemps, jaunes comme de l’or, conduit vers le bourg de Varosia n’offrant aucun intérêt, sauf celui de pouvoir s’y loger.

La vieille Famagouste s’anime cependant quelque peu, annuellement, pendant les derniers jours de mars, au moment du grand marché d’animaux, qui se tient en dehors de la ville.