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semble avoir, au fond de lui-même, hésité sur le but précis du mouvement que quelque temps il dirigea et n’avoir jamais bien su s’il était associationniste, syndicaliste, ou communiste, ou... Au fond, il était « possibiliste, » comme on disait il y a trente ans, et c’est-à-dire opportuniste prolétarien. Le possibiliste est surtout un homme convaincu de l’impossibilité de la plupart des choses qu’il désire.

Ce n’est pas avec ce caractère qu’on dirige longtemps un mouvement populaire, c’est avec le caractère contraire. Lowett fut, assez vite, je dirai dépassé de tous les côtés et ne fut plus que l’observateur désabusé du mouvement qui échappait à ses mains.

Bronterre était au fond dans les idées ou, si vous aimez mieux, dans la mentalité générale de Lowett ; mais ses premières déclarations avaient été plus radicales, plus révolutionnaires que celles de Lowett.

Très féru de Robespierre et de Babeuf, il fut le premier peut-être (car on ne sait jamais) à trouver la célèbre formule de Proudhon : « la propriété, c’est le vol. » Il dit : « La propriété au sens moderne du mot signifie le droit que possède A de prélever en vertu de la loi sa part sur le produit de B, la loi ayant été faite exclusivement par A, et ceci, bien entendu sans le consentement de B et sans lui donner un équivalent. C’est le sens moderne de la propriété. Attaquer la propriété c’est donc attaquer le vol. »

Il était également disciple de Rousseau et aussi de MorelIy. Il croyait à un état de nature où la terre n’était à personne et où les fruits étaient à tous et, ce qui est bien Anglais, il faisait intervenir Dieu dans la question, ce que ne faisaient ni Rousseau ni Morelly : « Personne, fùt-il fou ou fripon, n’osera nier que dans l’état de nature les matières premières appartiennent également à tous les hommes. Affirmer le contraire serait affirmer aussi que Dieu a les caprices d’un despote et qu’il distribue ses faveurs sans considérer aucunement la justice ni le besoin de ses créatures. »

Il avait des distinctions très spécieuses et très ingénieuses entre les propriétaires et les criminels ordinaires et de second ordre : « Il est incontestable que les usurpateurs du sol et les capitalistes doivent être distingués des autres malfaiteurs... Nous devons nous passer du logement, du boire et du manger si