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énergie est équivalente à celle de 300 milliards de chevaux-vapeur fonctionnant sans discontinuer. A ce taux et si les rivières ne ramenaient pas sans cesse la pluie aux océans, il ne faudrait guère plus de 25 siècles pour dessécher complètement ceux-ci. Dans ce cycle admirable qui rétablit sans fin l’équilibre et qu’on peut comparer à celui d’une machine à vapeur, c’est la mer qui est la chaudière, et sans elle les continens seraient tous des déserts inhabités. Enfin la mer agit sans cesse par érosion sur la configuration des côtes qu’elle désagrège par endroits ou amplifie, mais de telle sorte qu’au total son travail de destruction est prépondérant. Sans parler même de l’intérêt philosophique que présentent les études océaniques, pour l’histoire de l’évolution vitale, on peut ajouter, en se maintenant uniquement sur le terrain pratique, que les climats et le temps qu’il fait sont intimement liés aux circonstances maritimes. Malgré cela, et c’est une chose bien surprenante, il a fallu arriver jusqu’à ces dernières années pour que l’Océanographie fut rangée au nombre des sciences et se cristallisât en un corps de doctrine homogène.

A vrai dire, dès le XVIIe siècle, un homme de génie, l’italien Marsigli en avait posé les bases essentielles, mais, trop en avance sur son temps, il fut incompris et vite oublié. En y mettant beaucoup de bon vouloir, on pourrait faire remonter l’océanographie plus haut encore et jusqu’aux Grecs. Dans leurs fictions ceux-ci cachaient souvent des idées et des découvertes. L’Odyssée est peut-être un traité assez complet de la navigation dans la méditerranée orientale, mais un traité descriptif et nullement technique. Elle n’est qu’une sorte de Bœdeker à l’usage des nautoniers d’alors, d’ailleurs un Bœdeker plein d’élégance, fait pour tout dire à Athènes et non à Leipzig. Quant au fleuve Okéanos, qui, croyait-on, entourait alors la Terre, ce n’était qu’un cercle vicieux. Aussi l’histoire datera sans doute de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, les débuts réels de l’Océanographie.

Celle-ci peut se subdiviser en deux parties connexes : l’une relative à tout ce qui concerne la biologie marine, l’autre à la physico-chimie de la mer. Je voudrais aujourd’hui entretenir mes lecteurs de quelques progrès récens de celle-ci (remettant à une autre fois l’étude de la vie océanique). Déjà dans ce domaine ils ont lu naguère les belles études de M. Thoulet sur les grands sondages et sur le sol de l’Océan<ref> Voyez la Revue des 1er mars 1900 et 15 mai 1906. </<ref>. Il n’y a guère à ajouter aujourd’hui sur ces points aux conclusions de ce savant océanographe et je les laisserai donc de