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déterminer les motifs de ces déplacemens constans des peuples à la surface du globe, qui ont causé, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, les plus grandes révolutions de l’histoire.

Si Christophe Colomb s’embarqua sur les « blanches caravelles » et s’il doubla, par un trait de génie et d’audace, le champ livré par la planète à la civilisation, il y fut incité par la perspective d’un enrichissement privé et public ; la découverte des nouvelles Indes, avec un immense développement de la production de l’or et du commerce des épices, excitait ses ambitions, soutenait son courage et celui de ses associés :


Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines.


La chronologie n’est pas moins importante que la géographie : si l’une connaît des contacts, l’autre établit les séries et les filiations. Littré, exposant les idées d’Auguste Comte, développe avec force l’intérêt de la série en histoire : » L’histoire ou sociologie a pour instrument spécial la filiation, c’est-à-dire la production des états sociaux les uns par les autres. Il faut s’arrêter sur cette idée ; car elle est essentielle et sert à rectifier certains préjugés qui sont encore courans. Au XVIIIe siècle, — - et beaucoup de gens pensent comme le XVIIIe siècle, — on reconnaissait hautement la supériorité des temps modernes en lumière et en civilisation, et on s’en montrait très fier ; mais, en même temps, on admettait que les époques antécédentes avaient été plongées » dans la nuit de l’ignorance et de la barbarie, » et à cette condamnation générale de tout le passé humain on ne faisait d’exception que pour l’antiquité gréco-latine, à laquelle on se déclarait bénévolement inférieur dans la culture des lettres et dans la grandeur morale. Cela est inintelligible. Le progrès total ne se compose que de la somme des progrès partiels ; et si les choses s’étaient passées comme le prétendent les hommes du XVIIIe siècle, si tout ce qu’ils affectaient de regarder comme ténébreusement barbare l’avait été effectivement, leur civilisation comme la nôtre serait un effet sans cause ; mais la liaison de l’effet à la cause se retrouve dès qu’on admet et constate la filiation historique. Cette constatation est une des œuvres les plus méritoires du véritable historien. »

La vérification des dates est donc une des premières conditions