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que la monotonie des semaines et des mois n’en est pas interrompue, et que les heures défilent sans qu’on remarque leur passage. Maladies des enfans et mort de plusieurs nouveau-nés, inquiétudes pour l’argent et chefs-d’œuvre d’économie, quelques achats, lesquels sont des événemens, des scrupules et des plaisirs, quelques soirées de fête avec la parenté réunie pour des anniversaires ou les commandemens du calendrier.

Tout cela, dans l’atmosphère de la religion. Marie-Anne Joubert est extrêmement pieuse. Nous le savons. Joubert a écrit, dans ce brouillon de 1799 : « Je lui ai donné de grands chagrins par ma vie éloignée et philosophique. » Il ajoute : « Elle en a eu beaucoup d’autres. »

Sa vie éloignée : — éloignée d’elle, car il l’a quittée de bonne heure, à l’appel de l’ambition ; éloignée d’elle, et aussi de la religion qui, pour elle, était l’indispensable et seule idée d’une vie normale.

Il y avait des philosophes à Paris. Marie-Anne Joubert, fidèle au mode ancien d’une existence que Dieu mène, zélée à la messe et au chapelet, zélée à consacrer tous ses momens, tranquilles ou non, par les vertus théologales de la foi, de l’espérance et de la charité, baume de ses journées, Marie-Anne Joubert ne sut pas qu’il y eût des philosophes à Paris avant que son fils ne subît leur tentation périlleuse.

Et la constante piété, par l’examen de conscience et la confession, qui demande une délicate analyse de soi, l’affine ; la pratique de la communion met de sublimes épisodes parmi ses travaux journaliers.

Elle est pieuse, par l’habitude et l’obéissance ; puis elle est pieuse comme l’est une femme très supérieure à son entourage et à sa destinée qui, dans sa piété, trouve l’idéal d’une rêverie qu’elle a toute seule.

Joubert, écrivant à Mole le 30 mars 1804, lui disait : « La première fois que je vous ai vu, je perdais en ce moment ma mère, la meilleure, la plus tendre et la plus parfaite des mères ! Ma tendresse pour elle fut toujours, au milieu même de mes innombrables passions, mon affection la plus vive et la plus entière ! »

Maintenant, il me semble que nous voyons très bien Marie-Anne Joubert au milieu de ses enfans. Nous ne savons presque rien des filles : Catherine et Marie devaient se marier, l’une à