Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et il était fort désœuvré. N’eut-il point à subir les reproches du maître-chirurgien, qui avait compté l’établir dans la magistrature ou le barreau ? N’eut-il point surtout à subir les regards tristes de sa mère ? Il n’avait pas eu envie de rendre la justice ou de la réclamer ; et sa velléité religieuse était tombée en peu de temps.

Que ferait-il, lui l’aîné, de qui l’on attendait la plus belle réussite ? Et, quant à lui, que ferait-il au jour le jour, dans la petite ville qui avait l’air de ne plus être la même pour lui, quand lui seul n’était plus le même ? dans la petite ville qui le déconcertait, avec son extrême silence et la paix de ses rues ? dans la petite ville qui, s’étant bien passée de lui, avait cicatrisé son absence et le recevait comme un étranger ?

Il ne trouvait de place que parmi les siens, dans sa famille où il languissait. De ses frères, je ne sais où était Beauregard, pour étudier la médecine ; Elie, à quatorze ans, était aux Doctrinaires de Brive ; et le petit Arnaud de neuf ans allait chez le nouveau maître d’école. Catherine approchait du jour où elle coifferait sa sainte patronne ; Marie avait dix-neuf ans ; Louise dix-sept, et la cadette, Marie, se préparait, en étant sage, aux puérils devoirs de l’âge de raison. La parenté, le voisinage, tout avait grandi ou vieilli.

Montignac, après Toulouse, lui offre peu de conversation. Il est entouré de personnes très bonnes et qui ne comprennent pas beaucoup ses volontés originales. C’est la solitude dans la tendresse.

Un jour que la tension de sa vie mentale se relâche, il commence, pour ses amis de Falguière, un petit poème frivole :


Des bords fleuris de la Vézère
Aux rives fertiles du Tarn,
Ma muse, d’une aile légère,
Prend son essor, s’envole et part,
La tendre amitié l’y rappelle :
A ses accens...


Et il ne continue pas : cette frivolité ne l’amuse pas, désormais. Il est occupé de durs tracas. Cependant, il travaille et il écrit. Il esquisse un petit roman ; — un roman, c’est trop dire : — un court récit dont on n’a que les premières lignes.

Le feuillet, du reste, n’est pas daté. Mais il me semble trouver là des signes de jeunesse. Puis le paysage est celui de Montignac,