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avec les autres grandes Puissances aux décisions unanimes qui seront éventuellement discutées et adoptées sur le sort définitif des îles susdites, en corrélation avec le règlement général de toutes les questions pendantes, en tenant compte de l’intérêt général de l’Europe et de l’intégrité et de la sécurité de la Turquie asiatique. » Chaque mot de cette déclaration a été soigneusement pesé et doit être tout aussi soigneusement examiné. Nos journaux, en la reproduisant, l’ont jugée très claire, sans doute parce qu’ils y ont mis la clarté qui était dans leur propre esprit : en réalité, il y a là un nombre remarquable de sous-entendus ou de propositions à double sens.

Les conditions dans lesquelles le traité de Lausanne serait exécuté nous paraissaient déjà d’une réalisation difficile et peut-être assez lointaine lorsqu’il fallait seulement que les troupes ottomanes eussent intégralement évacué la Libye ; mais, cette condition remplie, la remise des îles à la Porte est-elle une conséquence qui va de soi et dont l’exécution sera immédiate ? Nous n’en sommes pas bien sûr. A ce moment, les grandes Puissances, y compris l’Italie, devront prendre des « décisions unanimes, » et avant de savoir ce qui arrivera lorsqu’elles seront prises, on peut se demander ce qui arrivera, ou n’arrivera pas, en attendant qu’elles le soient. Sur quoi porteront ces décisions ? Elles régleront le sort définitif des îles « en corrélation avec le règlement général de toutes les questions pendantes. » Cela pourra être long, étant donnée la complexité de ces questions. Il y a ici, ce nous semble, quelque contradiction avec une autre déclaration de l’ambassadeur d’Italie, qui n’admettait pas que la question des îles fût liée à celle des limites méridionales de l’Albanie : c’est là pourtant une question pendante. Mais passons. La question des îles devra aussi être réglée en tenant compte de l’intérêt général de l’Europe, ce qui est vague, car chacun peut comprendre cet intérêt à sa manière, mais ce qui se précise un peu par l’appel final fait « à l’intégrité et à la sécurité de la Turquie asiatique. » Cela veut dire, en bon français, qu’aux yeux de l’Italie les îles du Dodécanèse, une fois qu’elle les aura rendues à la Porte, devront continuer d’appartenir à celle-ci, car elles intéressent l’intégrité et elles assurent la sécurité de la Turquie d’Asie : or, et ce n’est un secret pour personne, d’autres Puissances estiment que ces îles doivent être attribuées à la Grèce. Les opinions sont encore ici très divergentes et comme le gouvernement italien prend bien soin de faire remarquer que rien ne sera fait avant que les Puissances se soient mises d’accord sur des « décisions unanimes, » il s’en faut de beaucoup que la solution soit facile